La question de l’homosexualité dans la Chine impériale

L’effet de la loi anti-jijian 雞姦 de 1740 sur la société et la pratique judicaire (1740-1911)

La Chine a été un pays d’une grande tolérance culturelle vis-à-vis de l'homosexualité, du moment que les hommes s'acquittaient du devoir de perpétuer leur lignage. Elle n’a jamais criminalisé les relations « homosexuelles » avant la dynastie Qing, lorsqu’en 1740 une loi a été promulguée pour punir les relations anales (jijian). Cette loi est considérée par la majorité des chercheurs comme une loi anti-homosexuelle et comme représentant le début de la stigmatisation juridique de « l'homosexualité » en Chine. Cependant, deux phénomènes contradictoires ont coexisté après la mise en application de cette loi : d’une part l’augmentation des cas d’homicides relatifs à ce type de crime, et l’absence frappante d'affaires consensuelles en matière de relations « homosexuelles », et d’autre part une grande visibilité des mœurs pédérastiques dans la société de cette époque, observables non seulement dans les textes littéraires et les peintures, mais aussi dans les récits d’Européens voyageant en Chine.

Nous nous proposons d’examiner la nature de cette loi et son effet sur la société et la pratique judicaire à travers l’étude de cas concrets survenus après cette date. L’objectif est de mieux comprendre comment l’individu, la famille et la communauté locale réagissaient devant de telles affaires désormais criminalisées, et comment la justice a traité ces nouveaux délits sexuels.

Une conférence de Laure ZHANG

Professeure au Département d’études asiatiques de la faculté des Lettres de l’Université de Genève, membre du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (EHESS, Paris), Laure ZHANG s’intéresse particulièrement au droit chinois impérial et moderne, dans une perspective comparatiste. Elle travaille depuis 2000 sur la question de la peine capitale en Chine. Elle a publié de nombreuses études et pris part au débat international sur ce sujet. Le présent questionnement sur l’homosexualité en Chine provient du séminaire qu’elle a donné depuis une douzaine d'années ans au sein du Département d’études asiatiques : « Cas judiciaires : sexe, crimes et société en Chine du 17e au 19e siècle ».