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I. Euronoir

Le polar espagnol ultra-contemporain : un label sur le marché éditorial européen ?

Emilie Guyard

Texte intégral

  • 1 C’est le constat que dressent Javier Sánchez Zapatero et Àlex Martín Escribà dans leur article « De (...)

1Contrairement à d’autres pays européens comme la France ou le Royaume-Uni dans lesquels le genre policier possède une longue tradition, en Espagne le roman policier est passé, en l’espace de quelques années, de la marginalité la plus complète au centre de la scène littéraire1. Cette situation explique indéniablement l’apparition tardive d’un polar hispanique sur la scène littéraire européenne. Si jusqu’au début des années 2000 Manuel Vázquez Montalbán est l’un des rares auteurs de polar dont l’œuvre s’exporte en dehors des frontières de l’Espagne, il existe aujourd’hui un polar espagnol identifié en tant que tel sur le marché éditorial international. Mais quelle place ce polar ibérique occupe-t-il au sein du marché européen du polar ? Quels sont les auteurs de polars espagnols et les tendances qui circulent en Europe ? La circulation transnationale du polar ibérique est-elle corrélée au capital symbolique et/ou économique accumulé par les auteurs dans le champ national ? Enfin, dans quelle mesure cette circulation transnationale contribue-t-elle à son tour à réorganiser la hiérarchie des textes dans le champ littéraire espagnol ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre après avoir effectué un retour sur l’émergence du polar en Espagne et dégagé les tendances actuellement majoritaires sur le marché éditorial national.

Retour sur l’émergence du polar espagnol

2L’histoire du polar espagnol pourrait finalement être résumée, comme le propose Albert Buschmann, à une intrigue policière :

  • 2 « La Historia de la novela policiaca en la España moderna empieza con un muerto importante, porque (...)

L’Histoire du roman policier dans l’Espagne moderne commence avec un mort important car il a fallu que le général Franco meure – et avec lui, tout son appareil de censure – pour laisser le champ libre à une littérature de ce genre, enracinée dans son propre territoire, qui parle de corruption, de violence et de meurtre au sein du pays2.

  • 3 On pense, par exemple, à Francisco García Pavón et à son personnage de Plinio dont les aventures se (...)
  • 4  « Par “transfictionnalité”, j’entends le phénomène par lequel au moins deux textes, du même auteur (...)
  • 5 Carlos Zanón, Carvalho Problemas de identidad, Barcelona, Planeta, 2019, 352 p. Dans cette suite al (...)

3De fait, si certains auteurs de la péninsule se sont laissé tenter ponctuellement par la mode du genre policier avant cette date3, c’est en 1974, alors que le dictateur agonise, que Manuel Vázquez Montalbán publie le roman inaugural d’un polar proprement espagnol. Cette coïncidence n’a rien de surprenant : comme s’accordent à le signaler tous les spécialistes du genre, le polar s’est développé parallèlement à la démocratie moderne et il en est devenu à la fois l’un des censeurs et l’un des défenseurs. Sans démocratie, il n’est point de roman noir. Il n’est donc pas surprenant que le genre ait eu tant de mal à s’implanter dans l’Espagne franquiste. Dans Tatuaje, Montalbán met en scène pour la première fois son personnage mythique de Pepe Carvalho, détective privé iconoclaste, désabusé et gourmet dont les enquêtes constituent une chronique acerbe et désenchantée de la Transition. Si, depuis la mort de l’écrivain en 2003, de nombreux écrivains et écrivaines sont venus enrichir le panorama de la littérature criminelle espagnole, Manuel Vázquez Montalbán demeure aujourd’hui la référence incontournable aussi bien pour les auteurs que pour les amateurs de polar espagnols. L’un des indices de la popularité inaltérée du personnage de Carvalho est l’expérience transfictionnelle dont il a récemment fait l’objet4. Comme les plus grands personnages de la littérature sérielle dont l’existence est capable de déborder des limites de l’univers fictionnel qui les a engendrés, Pepe Carvalho a en effet repris du service sous la plume de l’écrivain barcelonais Carlos Zanón dans une suite allographe publiée en 20195.

  • 6 « Spanish writers in general, and detective makers in specific have the advantage of two important (...)

4Tout au long des années 1970 et 1980 se développe, dans le sillage de Vázquez Montalbán, un polar espagnol, doté d’une identité propre. Roman du « désenchantement », très engagé politiquement, ce polar se distingue parfois d’autres productions policières européennes contemporaines, comme le néo-polar français, par l’intégration d’éléments propres à la tradition littéraire espagnole. Comme le faisait remarquer Patricia Hart en 1987, « les auteurs espagnols en général et les auteurs de littérature policière en particulier bénéficient de deux traditions espagnoles fondamentales qui, lorsqu’elles sont utilisées, donnent une saveur incontestablement espagnole à leurs romans. Ces traditions sont 1) le pícaro et 2) l’esperpento6 ». C’est le cas, en particulier, des romans de Eduardo Mendoza consacrés à son personnage anonyme dans la série inaugurée par El misterio de la cripta embrujada (1979) et El laberinto de las aceitunas (1982). Malgré leur tonalité parodique, les romans de Mendoza, comme ceux de Montalbán, ont une très claire visée référentielle critique : le protagoniste anonyme, véritable antihéros dans la droite ligne du pícaro, explore les bas-fonds de la Barcelone postfranquiste et décrit dans un langage caractérisé par l’ironie et l’hyperbole les dérives de cette société en pleine mutation.

5Les années 1970 et 1980 représentent incontestablement l’âge d’or du polar espagnol. Outre ces deux auteurs majeurs, de grands noms font leur apparition au cours de cette même période : Andreu Martín, Juan Madrid, Francisco González Ledesma, pour ne citer que ceux-là. La Semana Negra de Gijón, premier festival consacré au genre créé en 1988 par Paco Ignacio Taibo II vient couronner ces deux décennies de consécration du genre policier en Espagne.

6En Espagne, comme en France d’ailleurs, les années 1990 sont marquées par un net repli des productions policières. Non seulement très peu de jeunes auteurs apparaissent mais les auteurs historiques délaissent leurs personnages récurrents. La disparition de Vázquez Montalbán en 2003 semble définitivement sonner le glas du polar espagnol.

L’âge d’argent du polar espagnol

  • 7 Voir Emilie Guyard, « ¡Otra maldita novela negra! : le boom du polar espagnol », Les Langues Néo-La (...)
  • 8 Pour une liste exhaustive, nous renvoyons le lecteur à la page https://alejandromorenosanchez.com/f (...)
  • 9 Cette place accordée à la gastronomie dans les espaces de promotion que constituent les festivals f (...)

7Pourtant, sans doute sous l’effet de la Milleniumania qui secoue alors le paysage littéraire européen, l’Espagne connaît un véritable boom du polar au milieu des années 20007. Non seulement de nouveaux auteurs commencent à se faire connaître mais certaines plumes historiques comme Juan Madrid reprennent les enquêtes de leur personnage récurrent. Ce phénomène est largement et très rapidement relayé sur le marché éditorial national. Tandis que certaines maisons d’édition généralistes créent de nouvelles collections (Siruela policiaca, Alfaguara Negra), d’autres jeunes maisons spécialisées comme Alrevés ou Navona font leur apparition. Parallèlement à cette croissance exponentielle des productions, d’autres indices de la vitalité du genre apparaissent clairement. Si à la fin des années 1980, La Semana Negra de Gijón était le seul festival consacré au genre policier en Espagne, il en existe aujourd’hui près de quarante répartis sur l’ensemble du territoire. A côté des deux grands festivals nationaux BCNegra (Barcelone) et Getafe Negro (Madrid) actuellement dirigés par deux auteurs majeurs de la littérature policière (Carlos Zanón et Lorenzo Silva), les villes de province sont de plus en plus nombreuses à proposer leur propre festival, le dernier né, en pleine pandémie, étant le festival Aridane Criminal sur l’île de Grande Canarie8. Parmi ces festivals, certains tentent de se démarquer en proposant des concepts originaux comme celui de Morella, festival du roman noir et de la truffe noire. Nombre d’entre eux, en tout cas, associent la gastronomie et la littérature, comme c’est le cas de Pamplona Negra, nous rappelant qu’en Espagne, comme dans tout le bassin méditerranéen, polar et gastronomie vont souvent de pair9.

  • 10 Le prix, qui récompense un·e auteur·ice national·e de moins de 45 ans, est décerné conjointement pa (...)
  • 11 Pour une histoire de ce congrès, voir l’article de Javier Sánchez Zapatero et Àlex Martín Escribà «(...)

8Au cours de cette période, qui peut être considérée comme l’âge d’argent du polar espagnol, une poignée d’individus jouent le rôle de véritables passeurs culturels et contribuent à la fois à la diffusion et à la reconnaissance du genre policier en Espagne. On pense en particulier à Jordi Canal i Artigas et Paco Camarasa. Les deux hommes fondent respectivement et à la même époque La Bòbila – première bibliothèque consacrée aux littératures policières sur le territoire espagnol – et la librairie Negra y Criminal, implantée dans le quartier de la Barceloneta, intronisant la ville de Barcelone comme capitale du polar espagnol. C’est également Paco Camarasa qui organise en 2005 la rencontre littéraire en hommage à Manuel Vázquez Montalbán qui donnera naissance au festival BCNegra. De nombreux prix littéraires, décernés pour la plupart dans le cadre de ces festivals, font également leur apparition entre 2005 et 2020. Le dernier en date, créé en hommage à cette figure majeure de la littérature policière disparue en 2018, est le prix Paco Camarasa10. Le genre connaît en outre un phénomène de légitimation en franchissant également les portes du monde académique depuis que l’Université de Salamanque, l’une des plus prestigieuses universités espagnoles, accueille le congrès annuel de Novela y Cine Negro de Salamanca inauguré en 200511.

  • 12 « ¿Se está suicidando la novela negra? La proliferación de títulos y la falta de filtros amenaza a (...)
  • 13 L’enquête intitulée « Hábito de Lectura y Compra de Libros en España 2020 » est accessible en ligne (...)

9Les deux fondateurs de ce congrès, qui sont également les deux plus grands spécialistes du genre en Espagne, l’avouent eux-mêmes : cerner l’identité du polar hispanique ultra-contemporain est une véritable gageure. La prolifération des titres et l’apparition de nouvelles étiquettes telles que police procedural, roman costumbrista, roman de délinquants, polar SF, polar historique rend vaine toute tentative de classification qui se prétendrait exhaustive. La fiction criminelle espagnole ultra-contemporaine (2005-2020) se caractérise en effet par un accroissement exponentiel des productions. Or, cet accroissement, qui peut être considéré comme l’indice d’une véritable vitalité du genre, possède également son revers. Face à la multiplication des auteurs, des titres et des collections, les spécialistes du genre se demandent en effet si le polar espagnol n’est pas en train de se « suicider12 ». Toutefois, et même si la prolifération des titres représente une réelle menace de saturation du marché, la dernière enquête menée par la « Federación de Gremios de Editores de España » ne laisse aucun doute : le polar espagnol n’est certainement pas menacé d’extinction. Parmi les vingt titres les plus lus par les lecteurs espagnols en 2020, plus de la moitié sont des polars écrits par des auteurs nationaux13.

10Par ailleurs, malgré la prolifération des auteurs et des sous-genres, trois tendances fortes nous semblent émerger au cours de ces dernières années :

Une féminisation du genre

  • 14 Myriam Roche, « Féminin pluriel » in Georges Tyras (dir.), Dossier « Le polar dans l’arène », Revue (...)

11Une première tendance analysée par Myriam Roche dans le dernier numéro de la revue 813 se dessine depuis quelques années, depuis que Cristina Fallarás a remporté le prix Hammett décerné par le festival de La Semana Negra de Gijón en 2012 pour son roman Las niñas perdidas. Dans son article, Myriam Roche démontre comment cette féminisation du genre s’accompagne d’un phénomène particulier qui peut être interprété comme une démarche – consciente ou inconsciente – de la part de ces femmes de balayer les stéréotypes de genre qui pourraient être liés à une écriture féminine : « aucune de ces dames du crime espagnoles ne ménage en effet ses efforts pour faire frémir les lecteurs, avec une certaine complaisance dans la mise en scène des autopsies ou la récurrence des assassinats d’enfants14. »

Le retour aux « racines du mal »

12Parallèlement à cette tendance, on signalera la multiplication de polars dont l’intrigue criminelle trouve ses racines dans l’une des deux périodes traumatiques de l’Histoire espagnole contemporaine : la guerre civile et la dictature franquiste.

  • 15 C’est aussi cette voie qu’ont choisie des auteurs généralistes pour faire une incursion dans le gen (...)

13Au sein de cette tendance, on peut encore distinguer deux catégories de romans. Les polars historiques, tout d’abord, dont la diégèse se situe durant la guerre civile (c’est le cas de la trilogie de Arturo Pérez Reverte consacrée au personnage de Falcó) ou pendant les premières années du franquisme, dans les années 1940 et 1950 (Luis Roso, Rosa Ribas, Javier Valenzuela, etc…). A côté de ces polars historiques, d’autres romans jouent de la possibilité d’alterner deux diégèses pour proposer un va-et-vient entre le présent de l’écriture et les plus sombres années du franquisme : cette tendance est représentée en particulier par Víctor del Árbol15.

  • 16 « Acudimos a una reconstrucción despolitizada y deshistorizada de la Historia, invitando al lector (...)

14Cette tendance n’est pas propre au genre policier. Depuis le début des années 2000, la littérature espagnole explore le terrain de la mémoire historique, relayant sur le plan de la fiction le devoir de mémoire que les Espagnols ont entrepris sur le plan juridique. Or, si ce travail de récupération de la mémoire historique est louable, la plupart de ces écrivains font un usage romanesque, commercial et dépolitisé de cette période traumatique comme le déplore David Becerra dans son essai polémique La guerra civil como moda literaria. Selon lui, dans l’ensemble de ces romans, « nous assistons à une reconstruction dépolitisée et deshistoricisée de l’Histoire invitant le lecteur à entretenir une relation complaisante avec son passé. Ces romans, comme le miroir post-moderne de Jameson, envoûtent le lecteur au moyen d’aventures de passion et de mort, de vies héroïques, d’idéaux et d’un avenir qui reste à écrire16. »

Le thriller « nordique »

15La dernière tendance, la plus importante si l’on raisonne en termes de vente, est représentée par le thriller régional, et plus particulièrement septentrional. Cette tendance est très largement portée par Dolores Redondo et sa trilogie du Baztán, véritable phénomène éditorial en Espagne. Comme le démontre la dernière enquête de la « Federación de gremios de editores de España » Dolores Redondo a été l’autrice de fiction la plus lue en Espagne en 2020, toutes catégories confondues. Dans le sillage de l’écrivaine révélée en 2013, de nombreux auteurs situent les intrigues policières de leurs romans dans des régions situées au nord de l’Espagne (Pays basque, Cantabrie, Aragon, Galice) comme c’est le cas, par exemple, de Eva García Sáenz de Urturi dont la trilogie de La ciudad blanca, située dans la ville de Vitoria, figure en cinquième position du classement des livres les plus lus en 2020. On pourrait ajouter à cette liste le nom d’Ibón Martín, par ailleurs auteur de guides touristiques sur le Pays basque, dont le cycle de Los crímenes del faro ou le roman La danza de los tulipanes, situés sur la côte basque, se caractérisent par leur ambiance maritime et la mise en valeurs de traditions locales (chantiers navals, fabrication et courses de bateaux…). Avec la trilogie du Baztán qui privilégie l’intérieur des terres et le terreau de la mythologie et de la sorcellerie, deux représentations géographiques du Pays basque s’imposent. Tous ces polars nordiques se caractérisent en tout cas par leur ancrage local très puissant et les intrigues criminelles constituent pour leurs auteurs un moyen de mettre en avant le patrimoine naturel et/ou culturel de ces régions.

16Certains romans relèvent d’ailleurs des trois tendances, comme c’est le cas par exemple de Puerto Escondido. Dans ce thriller écrit par María Oruña, situé dans un petit village côtier de Cantabrie, le lieutenant Valentina Redondo, clairement conçue en hommage à la « reine du polar espagnol », mène l’enquête suite à la découverte du cadavre momifié d’un nourrisson. Or cette enquête la ramène tout droit aux années les plus sombres de la guerre civile et franquisme. L’autrice a incontestablement réuni dans ce roman tous les ingrédients susceptibles de lui permettre conquérir le marché éditorial espagnol !

Circulation et diffusion du polar espagnol en Europe au xxie siècle

  • 17 D’après Marc Lits, « la distance, des points de vue stylistique, thématique, narratif, apparaît moi (...)
  • 18 Rappelons avec Pierre Bourdieu que « le degré d’autonomie d’un champ de production restreinte se me (...)

17Le polar occupe une position particulière au sein du champ littéraire. Situé en haut de l’échelle des genres populaires, valorisé voire exploité par des auteurs reconnus par l’institution littéraire17, le roman policier serait actuellement un genre moyen, moins marqué du sceau de l’infamie que d’autres genres populaires. Désormais doté de ses propres instances de consécration, le champ du polar s’est, d’une certaine manière, autonomisé18 : comme dans le champ de production restreinte, la lutte pour le capital symbolique fondé sur la reconnaissance des pairs y prévaut sur la logique marchande. Toutefois, malgré cette relative autonomisation, le polar demeure une littérature sérielle et populaire, régie en tant que telle par les lois du marché.

  • 19 Gisèle Sapiro, L’espace intellectuel en Europe. De la formation des États-nations à la mondialisati (...)
  • 20 Anna Boschetti, « Pour un comparatisme réflexif » in Anna Boschetti (dir.), L’espace culturel trans (...)

18Cette caractéristique, particulièrement patente dans le champ littéraire français, vaut également dans le champ transnational. En effet, comme le signale Gisèle Sapiro, « le marché transnational des biens culturels tend à se structurer, comme les marchés nationaux, selon l’opposition entre un pôle de production restreinte, où prévalent des logiques intellectuelles et/ou politiques, et un pôle de grande production, régi par la logique marchande19. » Or, non seulement le champ littéraire transnational est structuré selon cette opposition, mais « le recours à l’international fonctionne comme une stratégie de renforcement des positions occupées dans le champ national. Pour les écrivains les plus autonomes, il s’agit de légitimer leur conception de la littérature, alors que pour les éditeurs et les autres agents impliqués dans la traduction et l’exportation il s’agit surtout de conquérir un marché potentiel en extension20. »

19À cette hiérarchisation des biens symboliques entre littérature légitime et production de masse vient se superposer une autre logique de hiérarchisation entre les différentes cultures dans la circulation transnationale des biens symboliques. Comme le dit parfaitement Christophe Charle :

  • 21 Christophe Charle, « Comparaisons et transferts en histoire culturelle de l’Europe. Quelques réflex (...)

Pas plus que les économies qui échangent à l’échelle européenne ou mondiale, les cultures ne sont en position d’équidistance ou d’équivalence.  À chaque époque, elles sont organisées par des hiérarchies mouvantes mais anciennes et qui n’évoluent que lentement. Le discours actuel à propos de la mondialisation et de la globalisation et la théorie du libre-échange intellectuel qui le sous-tend sont tout aussi fallacieux qu’en économie21.

  • 22 Ibid., p. 65.
  • 23 Pascale Casanova, « Paris, méridien de Greenwich de la littérature », in Christophe Charle et Danie (...)

20Pire encore : « la progression de l’offre va de pair avec une accentuation des hiérarchies et des phénomènes de domination au profit de quelques centres ou de quelques types de production22. » Brillamment décrite par Pascale Casanova23, la République mondiale des Lettres se structure en effet autour de quelques pôles culturels qui monopolisent la légitimité littéraire et dictent des hiérarchies de goût. En réalité, l’analyse de la circulation transnationale des biens symboliques dessine une véritable géopolitique des échanges littéraires et permet de faire émerger des axes de circulation des textes, lesquels contribuent en retour à réorganiser les champs littéraires nationaux.

21Parmi les tendances et les auteurs que nous venons de dégager, quelles sont celles et ceux qui s’exportent sur le marché international ? Les tendances dominantes sur le territoire espagnol se retrouvent-elles à l’exportation ? Le polar espagnol circule-t-il de manière homogène sur l’ensemble du territoire européen ? Une étude exhaustive de la circulation transnationale du polar espagnol étant impossible dans le cadre de cette publication, nous limiterons notre analyse à l’œuvre de quelques auteurs dont la circulation et la réception nous semblent représenter des tendances significatives sur le marché européen.

  • 24 L’autrice basque est revenue sur la chronologie des événements dans un entretien accordé au journal (...)
  • 25 Hervé Serry et Josée Vincent, « Penser le rôle des foires internationales dans la mondialisation de (...)

22Si l’on raisonne en termes purement comptables, une autrice fait actuellement figure d’exception sur la scène littéraire internationale. Dolores Redondo est, en effet, la seule écrivaine espagnole dont les romans sont actuellement traduits et diffusés sur l’ensemble du territoire européen. Or c’est paradoxalement en dehors des frontières de l’Espagne, dans le cadre de la foire internationale du livre de Francfort, que l’autrice a vendu les droits du premier volume de sa trilogie, El guardián invisible, à la maison d’édition espagnole Destino en 201124. De fait, si les foires internationales du livre sont des lieux de redistribution des hiérarchies du monde éditorial, celle de Francfort « est aujourd’hui le pivot d’une économie de best-sellers qui polarise le champ éditorial autour de ce que l’on nomme les big books, produits adaptés à plusieurs supports et capables de générer des profits conséquents25. » La foire du livre de Francfort a donc joué un rôle prépondérant dans la diffusion du thriller espagnol au sein de l’espace transnational européen au cours des dernières années et lorsque l’on sait que l’Espagne était le pays invité d’honneur de l’édition 2021, il est fort probable que de nouveaux auteurs de polar ibérique émergeront sur le marché éditorial international dans les mois ou années à venir.

23En dehors du phénomène Redondo, de manière générale, très peu d’auteurs de polar espagnols font l’objet de traductions dans l’Europe du Nord, et en particulier au Royaume-Uni dont le marché éditorial est déjà largement alimenté par les productions de l’ensemble des pays anglophones. Lorsqu’ils franchissent les frontières du nord de l’Europe, ce sont souvent des raisons extratextuelles qui permettent d’expliquer l’exportation de leurs textes.

  • 26 Rosa Ribas a également publié une trilogie située dans l’Espagne franquiste des années 1950 – La tr (...)
  • 27 Du côté du thriller à succès international, on est confronté à une variante de « glocalisation » si (...)

24C’est le cas, par exemple, de Rosa Ribas. C’est incontestablement la trajectoire vitale de cette autrice qui explique la diffusion de ses polars en Allemagne. Car si les textes circulent au sein de l’Europe, c’est aussi – et parfois avant tout – parce que les auteurs eux-mêmes se déplacent à l’intérieur de l’espace européen. L’écrivaine, qui n’a plus quitté l’Allemagne depuis qu’elle y exercé en tant que lectrice au début des années 1990, a conquis le marché éditorial allemand grâce à sa série policière consacrée à Cornelia Weber-Tejedor, commissaire germano-espagnole de la police à Francfort dont l’identité transnationale est clairement inspirée par celle de l’autrice26. C’est également en dehors des circuits traditionnels que Mikel Santiago a réussi à se faire une place sur le marché éditorial mondial. La diffusion internationale des romans de cet auteur nous semble là encore révélatrice d’un phénomène nouveau : à l’ère numérique, l’autoédition au format électronique relayée via des plateformes comme ibooks, constitue un vecteur de diffusion extrêmement puissant susceptible de court-circuiter les canaux traditionnels de diffusion des textes sur le marché transnational. Car ce sont bien ces plateformes qui ont permis à Mikel Santiago de figurer en tête des dix auteurs les plus lus aux Etats-Unis avant même d’être publié en Espagne ! Dans le cas de Mikel Santiago, un autre facteur a certainement joué un rôle dans la diffusion internationale de ses textes. L’écrivain, qui a lui-même vécu en Irlande puis aux Pays-Bas pendant près de dix ans, internationalise volontiers l’espace de ses récits. Son premier roman publié, La última noche en Tremore Beach, se situe en Irlande et le second dans le sud de la France, en Provence. Pour son dernier roman publié en Espagne, El mentiroso, l’auteur a choisi de revenir à sa région natale, le Pays basque, venant ajouter sa contribution personnelle à la désormais longue liste de ces thrillers basques qui ont conquis le marché national et international27.

25Parallèlement à la circulation du polar espagnol vers le nord de l’Europe concentrée principalement autour du genre du thriller et des auteurs que nous venons de citer, un autre axe de circulation du polar espagnol à travers les pays d’Europe du sud émerge très clairement. Si les best-sellers circulent eux aussi selon cet axe, des auteurs plus confidentiels ont réussi à conquérir le marché éditorial des pays du sud de l’Europe, en particulier ceux de la France et de l’Italie, dessinant un axe de circulation privilégié du polar espagnol autour de l’arc méditerranéen.

  • 28 Voir l’article « Petra Delicado conquista a los italianos en su última aventura » publié dans le jo (...)
  • 29 Nous renvoyons le lecteur à l’entretien que l’autrice nous a accordé en 2016, dans lequel elle expo (...)

26La reconnaissance du polar espagnol en Italie n’est pas nouvelle : aucun amateur du genre policier n’ignore que le personnage de Salvo Montalbano, le plus célèbre commissaire du giallo, a été créé par Andrea Camilleri en hommage à Manuel Vázquez Montalbán. C’est précisément parce qu’elle est perçue en Italie comme la digne héritière de l’écrivain barcelonais qu’Alicia Giménez Bartlett a réussi à conquérir le lectorat italien. En effet, si la série consacrée à Petra Delicado et son second Fermín Garzo est très appréciée des lecteurs espagnols, c’est incontestablement en Italie qu’elle rencontre le plus franc succès. Non seulement tous les romans de la série ont été traduits en Italie mais ils connaissent des records de vente et la chaîne de télévision Sky en a d’ailleurs acheté les droits pour produire une série télévisée en 2019. Par un juste retour des choses, l’écrivaine a choisi de rendre hommage à ses lecteurs italiens en déplaçant une partie de l’intrigue de son roman Nadie quiere saber à Rome. Alicia Giménez Bartlett a elle-même bien du mal expliquer les raisons de ce succès mais quelques pistes permettent de comprendre le phénomène. C’est tout d’abord le personnage de Petra Delicado et le « couple » d’enquêteurs qu’elle forme avec son second Fermín Garzo qui bouscule les stéréotypes de genre que les Italiens, et plus particulièrement les Italiennes, apprécient28. Mais c’est aussi incontestablement la portée sociale des romans de cette écrivaine, convaincue que le polar est le grand roman social du xxie siècle, qui séduit les lecteurs italiens29.

  • 30 Pascale Casanova, art. cit.
  • 31 Pascale Casanova, « Consécration et accumulation de capital littéraire », Actes de la recherche en (...)

27La France est l’un des plus grands importateurs de polar espagnol. Si la reine du polar espagnol Dolores Redondo est publiée chez Gallimard, la maison d’édition Actes Sud, en particulier, joue un rôle fondamental dans la diffusion du polar espagnol sur le marché éditorial français. Dix pour cent des titres figurant au catalogue des collections Actes Noirs et Babel Noir sont écrits par des auteurs espagnols. La France n’est pas seulement le plus proche voisin de l’Espagne, elle représente également une nation littéraire, dotée d’un prestige particulier au sein de la République mondiale des Lettres dont Pascale Casanova a décrit le fonctionnement : « Véritable méridien de Greenwich de la littérature, Paris est le lieu à partir duquel on va mesurer et décompter le temps spécifique de la littérature30. » Pour un auteur espagnol, même dans le champ du polar, être traduit en français est une véritable consécration car « du fait que la traduction est l’une des formes de transfert de capital littéraire, la valeur de la traduction et son degré de légitimité dépendent du capital linguistico-littéraire de la langue d’arrivée31. » La puissance du capital linguistico-littéraire associé à la traduction française peut, de fait, se traduire par des phénomènes ponctuels de resémantisation assez surprenants. Ainsi, lors de sa traduction en français, le titre du premier roman de Aro Sáinz de la Maza a été légèrement modifié. C’est le titre Le bourreau de Gaudí qui a été choisi en lieu et place de la traduction littérale du titre original El asesino de la Pedrera. La disparition du nom de la Pedrera – qui désigne l’une des réalisations les plus célèbres de Gaudi située sur le Passeig de Gracia – au profit de celui de l’architecte a sans doute obéi à une volonté d’expliciter la référence culturelle et de renforcer l’ancrage dans la ville de Barcelone dès le paratexte du roman. Or, c’est précisément sous le titre El verdugo de Gaudí, retraduction littérale du titre français, que l’ouvrage vient d’être réédité en Espagne à l’occasion de la publication du troisième volume de la série Milo Malart, Dócil.

  • 32 Avant de se faire un nom en Espagne et de pouvoir renoncer à son emploi de policier pour se consacr (...)

28Grâce au prestige littéraire dont jouit la France au sein de la République des Lettres, le succès remporté par certains auteurs espagnols dans l’hexagone semble d’ailleurs jouer un rôle déterminant dans la réception de leur œuvre dans le champ national espagnol. C’est le cas, en particulier, de Víctor del Árbol. Le succès d’estime que l’écrivain barcelonais a rencontré en France à partir de la publication de La tristesse du samouraï en 2012 a largement contribué à sa reconnaissance en Espagne où il a obtenu le plus prestigieux prix littéraire espagnol, le Prix Nadal, pour son roman La Víspera de casi todo en 201632. Depuis 2012, le succès des romans de Víctor del Árbol ne s’est jamais démenti en France : il est d’ailleurs l’un des trois écrivains espagnols à figurer dans le Dictionnaire amoureux du polar publié dernièrement par Pierre Lemaître. Peut-on espérer meilleure reconnaissance que celle d’un auteur français ayant lui-même obtenu le prix Goncourt ?

Le thriller nordique : le nouveau polar espagnol ?

29Malgré son caractère sommaire et très lacunaire, cette analyse de la circulation transnationale du polar espagnol ne laisse aucun doute : si l’on s’en tient à une logique marchande, c’est incontestablement le thriller septentrional qui a conquis le marché européen, en particulier celui du Nord de l’Europe, confirmant sur le marché transnational la tendance nationale.

  • 33 Frédérique Toudoire-Surlapierre, « Cold crimes : enquête polaire et boréalisme dans la littérature (...)
  • 34 « Por una parte, porque me gusta que la novela sea euskandinava, que esa fusión de Euskadi con Esca (...)
  • 35 Michel Abescat, « “La Face nord du cœur”, de Dolores Redondo : la nouvelle reine du polar ne vient (...)

30Ce rayonnement international trouve très certainement une explication dans le phénomène d’homogénéisation des productions policières engendré par la Milleniumania. Si en France des écrivains comme Olivier Truc ou Sonia Delzongle s’emparent de cette mode en situant l’intrigue de leurs romans dans les steppes de Laponie ou les grands espaces glacés du Groenland selon un phénomène de « boréalisme » mis en avant par Frédérique Toudoire-Surlapierre33, les Espagnols eux, ont choisi d’investir l’espace national pour écrire leurs propres polars nordiques. Le dernier écrivain basque arrivé sur le marché éditorial français – Ibón Martín – dont le roman La danza de los tulipanes vient d’être publié chez Actes Sud affiche clairement cette resémantisation en revendiquant la création d’un polar « euskandinave34. » La presse spécialisée elle non plus ne s’y trompe pas : les morphèmes nordiques sont de vrais arguments de lecture. Telle cette critique de Télérama du dernier roman de Dolores Redondo selon laquelle, « comme l’écrivain islandais Arnaldur Indridason l’a fait pour son pays, Dolores Redondo a su installer un nouveau territoire du polar, le Pays basque espagnol, dont elle est originaire […]. Un pays qu’elle peint à la manière des fjords de l’Est chers à Indridason. Fascinants, mais aussi inquiétants35. »

  • 36 Christophe Charle, art.cit., p. 55.

31Si, comme le dit Christophe Charle, « le passage de frontière entre cultures ne se limite pas à l’accessibilité matérielle d’un texte, d’un article ou d’une œuvre dans une autre langue ou un autre pays. Le principal obstacle réside moins dans la production que dans la réception. Il s’agit de créer le désir de lire, de voir ou d’entendre du côté du lecteur ou du spectateur, donc d’avoir accès à son espace de représentations, lui-même structuré par la culture ambiante et ses rapports historiques avec la culture externe d’où provient ce bien nouveau36 », alors le recours aux morphèmes nordiques constitue un passeport garanti pour l’exportation au sein d’une Europe dans laquelle l’imaginaire nordique a très largement essaimé.

32Par ailleurs, la circulation transnationale de ce polar espagnol nordique est largement favorisée par sa « transmédiagénie37 ». Comme le signale Matthieu Letourneux, « l’un des traits caractéristiques des catégories génériques propres aux fictions populaires tient à leur faculté de décrire des récits produits sur des médias différents38. » De fait, ces thrillers circulent d’autant mieux sur le territoire européen qu’ils font l’objet d’adaptations sous formes de films ou de séries diffusés sur des plateformes internationales comme Netflix. Outre les trois romans de trilogie du Baztán, on signalera l’adaptation récente du premier volume de la trilogie basque de Eva García Saenz de Urturi, El silencio de la ciudad blanca, dont la diffusion sur la plateforme s’est immédiatement répercutée sur la vente des deux derniers volumes de la trilogie. Ce sont parfois les auteurs eux-mêmes qui sont recrutés par les chaînes de télévision comme c’est le cas d’Agustín Martínez qui vient d’adapter son roman Monteperdido dans une série intitulée La caza Monteperdido pour la Télévision espagnole. Là encore, cette série, située dans la vallée de Bénasque, joue largement des stéréotypes nordiques comme l’a remarqué le critique de Télérama : « Avec ses plans sur une nature hypnotique, ses flash-back glaçants et la belle place faite au silence, la série rappelle les motifs du “Nordic Noir”39. » 

  • 40 Michel Espagne, « Du creuset espagnol à l’Espagne hors les murs », Mélanges de la Casa de Velázquez(...)

33Ce thriller nordique pourrait donc être envisagé comme une transposition du Nordic Noir dans le champ littéraire espagnol résultant d’un phénomène de transfert culturel au sein d’un espace européen lui-même structuré par des imaginaires transmédiatiques. Une telle interprétation mérite toutefois d’être nuancée. Certes, le mouvement du Nordic Noir est extrêmement puissant et engendre incontestablement un mouvement profond d’homogénéisation des fictions criminelles européennes mais l’essor de ces polars correspond également à un phénomène beaucoup plus vaste et complexe de revendication d’une identité locale et/ou régionale dans une Europe transnationale, revendication que la littérature, en particulier policière, semble avoir prise en charge au cours de ces dernières années. D’ailleurs, comme le rappelle Michel Espagne, un « transfert [culturel] n’est jamais un transport, mais il est utilisé par des acteurs du contexte d’accueil pour étayer un point de vue ou pour conforter une perspective préalable. Il vient donc se marier avec un pré-requis culturel et correspond nécessairement à un métissage40. »

La persistance d’un polar méditerranéen

  • 41 « Urbana, hedonista, crítica, realista, nostálgica y desencantada, la novela mediterránea ha conseg (...)

34La tendance du polar nordique espagnol, aussi majoritaire soit-elle sur le marché éditorial européen, ne saurait par ailleurs occulter la production d’auteurs dont les romans affichent clairement leur identité méditerranéenne et dont l’œuvre circule principalement dans les pays du sud de l’Europe. On retrouve dans les romans de Carlos Zanón, Aro Sáinz de la Maza, Aníbal Malvar ou Alexis Ravelo – pour ne citer que ces auteurs – tous les morphèmes que les critiques du genre ont identifiés dans les romans d’auteurs comme Manuel Vázquez Montalbán, Jean-Claude Izzo ou encore Petros Markaris : « Urbain, hédoniste, critique, réaliste, nostalgique et désenchanté, le roman méditerranéen est devenu une variante dotée d’une identité propre au sein du creuset hétérogène de variants et de sous-genres qu’offre le genre noir41. »

35Ce polar social et désenchanté ultra-contemporain continue de faire la part belle à la gastronomie, même lorsqu’il revisite ce stéréotype de façon ironique comme le fait Carlos Zanón dans la suite des aventures de Pepe Carvalho où Biscuter, éternel compagnon de table de Pepe, décide de participer au concours Masterchef ! Par ailleurs, même s’ils délaissent parfois Barcelone et Madrid au profit de villes périphériques, ces romans sont des polars urbains, dans lesquels l’espace de la ville, traversé par de nombreuses inégalités, joue un rôle de premier plan comme c’est le cas de Barcelone dans les pages de Carlos Zanón ou bien Aro Sáinz de la Maza. Mais c’est surtout la satire sociale, totalement absente des thrillers nordiques, qui confère leur identité méditerranéenne à ces polars. On pense en particulier à l’écrivain canarien Alexis Ravelo et à sa série consacrée à son détective récurrent Eladio Monroy. On retrouve dans les romans de cette série le meilleur de la tradition du polar espagnol des années 1970-1980 : une réappropriation de l’esthétique du roman noir américain utilisée pour dénoncer les dérives d’une société néo-libérale rongée par les injustices sociales et la corruption. La série, inaugurée en 2006, retrace les ravages de la crise économique de 2008, l’espoir représenté par le mouvement du 15-M puis la déception de ces Espagnols qui ont alors cru, fugacement, qu’un autre monde était possible. La noirceur du bilan que l’écrivain propose dans l’avant-dernier volume de la saga, publié en 2017, rappelle les pages les plus sombres et les plus désenchantées des romans de Manuel Vázquez Montalbán :

  • 42 « Durante una temporada, en los últimos tiempos, […] Monroy había llegado a pensar que el sistema h (...)

Pendant un certain temps, au cours de ces dernières années, Monroy en était arrivé à penser que le système avait touché le fond, que les gens en avaient pris conscience et qu’une sorte de révolution sociale qui mettrait fin à la corruption, aux privilèges, à l’injustice s’était engagée dans le pays […]. Bien sûr, il y avait eu quelques changements apparents, des remplacements opportuns, certains noms et certains visages avaient été remplacés parce que les gens vieillissent, meurent ou partent à la retraite, parce que parfois un juge, un journaliste, un policier arrivent à faire leur travail et qu’il faut envoyer certains joueurs sur le banc de touche […] et il parvenait à la conclusion qu’il avait vraiment déconné au cours de ces dernières années parce qu’ils avaient beau avoir fait quelques arrangements merdiques à la mélodie, les paroles de la chanson étaient toujours les mêmes42.

  • 43 Deux des romans de l’écrivain canarien ont été traduits en français à ce jour : La estrategia del p (...)

36La colère gronde dans ces quelques lignes comme dans l’ensemble des romans de la saga et Alexis Ravelo est incontestablement l’une des voix fortes du polar espagnol ultra-contemporain. Pourtant, aucun des volumes de cette série n’a encore été traduit en dehors de l’Espagne43.

  • 44 « Le clivage au sein du genre policier reproduit le clivage entre littérature et paralittérature au (...)

37Serions-nous en train de succomber à la tentation d’ériger la rareté en valeur esthétique et de prétendre que seuls ces auteurs peu diffusés sur le marché national et international incarnent encore aujourd’hui l’âme d’un polar espagnol ? En somme, reproduirions-nous au sein du genre policier le clivage entre une littérature populaire et commerciale dénuée de valeur et une littérature légitime selon le phénomène décrit par Fabienne Soldini44 ?

38Certes, ce sont ces derniers romans qui nous semblent prendre en charge la critique sociale caractéristique des grands textes policiers mais parmi les tendances majoritaires que nous avons pu dégager sur le marché national, certains romans présentent d’incontestables qualités. Ainsi, la veine du polar régional nordique produit d’excellents romans sous la plume d’écrivains comme le Galicien Domingo Villar. Le succès de librairie de ses deux premiers romans Ojos de agua (2006) et La playa de los ahogados (2009) lui avait ouvert les portes du marché international et lui offrait la garantie d’un succès commercial assuré. Domingo Villar a pourtant mis dix ans avant de publier la suite des aventures de Leo Caldas car, comme il l’a expliqué à plusieurs reprises, il a préféré réécrire entièrement El último barco avant de le soumettre à son éditeur. De fait, dans les romans de cet écrivain, la Galice et en particulier la Ria de Vigo, fait l’objet d’un traitement littéraire particulièrement réussi faisant la preuve que, lorsque l’identité régionale n’est pas exploitée comme un folklore, elle apporte une véritable saveur au polar hispanique, lequel ne saurait se réduire à son identité méditerranéenne.

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Notes

1 C’est le constat que dressent Javier Sánchez Zapatero et Àlex Martín Escribà dans leur article « Del Quiosco al “best-seller” : la novela policíaca en España », in Jean-François Botrel et al. (dir.), En los márgenes del canon: aproximaciones a la literatura popular y de masas escrita en español (siglos XX y XXI), Madrid, C.S.I.C., 2011, p. 93-107.

2 « La Historia de la novela policiaca en la España moderna empieza con un muerto importante, porque primero tuvo que morir el general Franco, y con él su aparato de censura, antes de que quedara libre el camino para una literatura de este género, asentada en su propio suelo, que se ocupara de la corrupción, de la violencia y del asesinato en el propio país », Albert Buschmann, « La novela policiaca española. Cambio social reflejado en un género popular », in Dieter Ingenschay et Hans-Jörg Neuschäfer (dir.), Abriendo caminos. La literatura española desde 1975, Barcelona, Lumen, 1994, p. 245.

3 On pense, par exemple, à Francisco García Pavón et à son personnage de Plinio dont les aventures se déroulent dans la petite ville de province imaginaire de Tomelloso.

4  « Par “transfictionnalité”, j’entends le phénomène par lequel au moins deux textes, du même auteur ou non, se rapportent conjointement à une même fiction, que ce soit par reprise de personnages, prolongement d’une intrigue préalable ou partage d’univers fictionnel. », Richard Saint-Gelais, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, « Poétique », 2011, p.7.

5 Carlos Zanón, Carvalho Problemas de identidad, Barcelona, Planeta, 2019, 352 p. Dans cette suite allographe, Pepe Carvalho, âgé de 70 ans et plus cynique que jamais, mène l’enquête au beau milieu du marasme politique dans lequel se trouve plongée la Catalogne qui s’apprête à déclarer son indépendance.

6 « Spanish writers in general, and detective makers in specific have the advantage of two important Spanish traditions which, when used, give an unmistakably Spanish flavor to their novels. These traditions are 1) el pícaro and 2) el esperpento », Patricia Hart, The Spanish Sleuth, The Detective in Spanish fiction, London and Toronto, Associated University Presses, 1987, p. 206.

7 Voir Emilie Guyard, « ¡Otra maldita novela negra! : le boom du polar espagnol », Les Langues Néo-Latines, n° 354, septembre 2010, p. 89-109.

8 Pour une liste exhaustive, nous renvoyons le lecteur à la page https://alejandromorenosanchez.com/festivales-genero-negro/. Alejandro Moreno Sánchez y recense tous les festivals célébrés sur le territoire espagnol.

9 Cette place accordée à la gastronomie dans les espaces de promotion que constituent les festivals fait écho à ce qui se produit au niveau diégétique dans certains romans eux-mêmes, même si cette dernière revêt des valeurs différentes selon les auteurs et les époques. Au moment de la Transition, la place accordée à la gastronomie tient lieu d’affirmation d’une philosophie hédoniste et individualiste qui se substitue chez Pepe Carvalho aux anciens idéaux collectifs (Vázquez Montalbán) ; dans les polars récents, la gastronomie relève plutôt d’un trait idiosyncrasique et de la revendication d’une identité culturelle locale.

10 Le prix, qui récompense un·e auteur·ice national·e de moins de 45 ans, est décerné conjointement par les neuf festivals Semana Negra de Gijón, BCNegra, Getafe Negro, Congreso de Novela y Cine Negro de Salamanca, Pamplona Negra, Valencia Negra, Las Casas Ahorcadas de Cuenca, Aragón Negro y Granada Noir.

11 Pour une histoire de ce congrès, voir l’article de Javier Sánchez Zapatero et Àlex Martín Escribà «Algo huele a muerto en la Universidad: quince años de Novela y Cine Negro », in Christelle Colin, Emilie Guyard et Myriam Roche (ed.) Le polar dans la cité : littérature et cinéma, Pau, PUPPA, 2022, p. 263-273.

12 « ¿Se está suicidando la novela negra? La proliferación de títulos y la falta de filtros amenaza a un género que puede morir de éxito », affirme Juan Carlos Galindo, journaliste au quotidien El País spécialiste du genre dans un article publié en juillet 2018 : https://elpais.com/cultura/2018/07/17/actualidad/1531811773_966832.html

13 L’enquête intitulée « Hábito de Lectura y Compra de Libros en España 2020 » est accessible en ligne depuis la page de la Federación de Gremios de Editores de España. URL : https://www.federacioneditores.org/datos-estadisticos.php

14 Myriam Roche, « Féminin pluriel » in Georges Tyras (dir.), Dossier « Le polar dans l’arène », Revue 813, n° 138, décembre 2020, p. 16.

15 C’est aussi cette voie qu’ont choisie des auteurs généralistes pour faire une incursion dans le genre comme Javier Cercas dans son roman Terra Alta ou encore Marta Sanz (pequeñas mujeres rojas).

16 « Acudimos a una reconstrucción despolitizada y deshistorizada de la Historia, invitando al lector a mantener una relación complaciente con su pasado. Estas novelas, como el espejo posmoderno de Jameson, hechizan al lector por medio de sugerentes aventuras de pasión y muerte, de vidas heroicas, de ideales y de un futuro todavía por escribir », David Becerra Mayor, La guerra civil como moda literaria, Madrid, Clave intelectual, 2015.

17 D’après Marc Lits, « la distance, des points de vue stylistique, thématique, narratif, apparaît moins grande qu’avant entre le roman légitimé et la paralittérature policière, des auteurs reprenant les techniques de l’une ou l’autre catégorie ou passant d’un genre à l’autre au fil des livres qu’ils publient, comme le reconnaît, par exemple, un Jean Echenoz », Marc Lits, « De la “Noire” à la “Blanche” : la position mouvante du roman policier au sein de l’institution littéraire », Itinéraires [en ligne], 2014-3, 2015. URL : http://itineraires.revues.org/2589

18 Rappelons avec Pierre Bourdieu que « le degré d’autonomie d’un champ de production restreinte se mesure au degré auquel il est capable de fonctionner comme un marché spécifique, générateur d’un type de rareté et de valeur irréductibles, entre autres choses, à la rareté et à la valeur économiques des biens considérés, à savoir la rareté et la valeur proprement culturelle », Pierre Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique (1940/1948), Troisième série, Vol. 22 (1971), p. 54-55.

19 Gisèle Sapiro, L’espace intellectuel en Europe. De la formation des États-nations à la mondialisation xixe-xxie siècle, Paris, La Découverte, 2009, p. 16.

20 Anna Boschetti, « Pour un comparatisme réflexif » in Anna Boschetti (dir.), L’espace culturel transnational, Paris, Nouveau Monde Editions, 2010, p. 31.

21 Christophe Charle, « Comparaisons et transferts en histoire culturelle de l’Europe. Quelques réflexions à propos de recherches récentes », Les cahiers Irice, 2010, n° 5, p. 55.

22 Ibid., p. 65.

23 Pascale Casanova, « Paris, méridien de Greenwich de la littérature », in Christophe Charle et Daniel Roche (dir.), Capitales culturelles, capitales symboliques, Paris, Sorbonne, 2014. URL : https://books.openedition.org/psorbonne/919?lang=es

24 L’autrice basque est revenue sur la chronologie des événements dans un entretien accordé au journal Noticias de Navarra : « Era septiembre de 2011 y al mes siguiente, en plena Feria de Frankfurt, Destino compró los derechos de la historia en castellano, provocando un efecto dominó que hizo que la semana siguiente los adquirieran editoriales de Francia, Holanda, Italia, Alemania y Brasil, donde se editará en los próximos meses. En el último año se han subido al carro la República Checa, Turquía, Noruega y, más recientemente, Reino Unido, desde donde en 2014 HarperCollins la lanzará en inglés para todo el mundo. » URL: https://www.noticiasdenavarra.com/cultura/2013/01/16/guardian-invisible-recorrera-mundo-elizondo/299121.html

25 Hervé Serry et Josée Vincent, « Penser le rôle des foires internationales dans la mondialisation de l’édition. L’exemple des éditeurs québécois à la Buchmesse de Francfort », Le Mouvement Social, vol. 243, no. 2, 2013, p. 107.

26 Rosa Ribas a également publié une trilogie située dans l’Espagne franquiste des années 1950 – La trilogía de los años oscuros – qu’elle a écrite à quatre mains avec l’écrivaine allemande Sabine Hofman.

27 Du côté du thriller à succès international, on est confronté à une variante de « glocalisation » similaire avec l’auteur Juan Gómez Jurado qui peut faire le choix de délocaliser totalement ses intrigues, avec des espaces internationaux et des personnages étrangers (Cicatriz), mais aussi d’inscrire ses protagonistes dans des contextes espagnols (Madrid dans Reina Roja, les mafias de Marbella dans Loba negra).

28 Voir l’article « Petra Delicado conquista a los italianos en su última aventura » publié dans le journal Córdoba, le 4 février 2013 : « Un larguísimo artículo aparecido estos días en La Repubblica establece las claves del éxito de Bartlett, que según el diario prosigue la ruta abierta por las novelas de Carvalho de Manuel Vázquez Montalbán (que también fue autor de Sellerio). Si en aquellas primaba lo político, las aventuras de Delicado tienen un sustrato social teñido de cierto feminismo. » URL : https://www.diariocordoba.com/cultura/2013/02/04/petra-delicado-conquista-italianos-ultima-37432062.html

29 Nous renvoyons le lecteur à l’entretien que l’autrice nous a accordé en 2016, dans lequel elle expose clairement cette conception. Emilie Guyard (dir.), L’imaginaire social dans le roman noir espagnol et portugais du xxie siècle, Binges, Éditions Orbis Tertius, « Universitas », 2017, p. 201-202.

30 Pascale Casanova, art. cit.

31 Pascale Casanova, « Consécration et accumulation de capital littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 144, septembre 2002, p. 17.

32 Avant de se faire un nom en Espagne et de pouvoir renoncer à son emploi de policier pour se consacrer totalement à l’écriture, l’auteur a en effet remporté un succès fulgurant en France. La Tristesse du Samouraï publié chez Actes Sud en 2012, a reçu le prix du meilleur polar européen. Toutes les vagues de l’océan (2015) a été élu Meilleur Polar de l’année 2015 par la revue LiRE, récompensé par le Grand Prix de Littérature Policière 2015 et le Prix Violeta Negra 2016 du festival Toulouse Polars du Sud.

33 Frédérique Toudoire-Surlapierre, « Cold crimes : enquête polaire et boréalisme dans la littérature française contemporaine », Nordic Journal of Francophone Studies/Revue nordique des études francophones, 3, 1, 2020, p. 150-160.

34 « Por una parte, porque me gusta que la novela sea euskandinava, que esa fusión de Euskadi con Escandinavia. Me gusta que sean escenarios muy en el estilo a la narrativa nórdica, que el clima sea relativamente hostil, que el paisaje invite a recogerse hacia dentro », Ibon Martín, «El vínculo de mis novelas con el paisaje viene del Camino», La voz de Galicia, 5 novembre 2019. URL : https://www.lavozdegalicia.es/noticia/santiago/2019/10/01/vinculo-novelas-paisaje-viene-camino/0003_201910S1C10992.htm

35 Michel Abescat, « “La Face nord du cœur”, de Dolores Redondo : la nouvelle reine du polar ne vient pas du froid, mais du Pays basque », Télérama, 05 février 2021. URL : https://www.telerama.fr/livre/la-face-nord-du-coeur-de-dolores-redondo-la-nouvelle-reine-du-polar-ne-vient-pas-du-froid-mais-du-6814276.php

36 Christophe Charle, art.cit., p. 55.

37 Par ce terme, Philippe Marion désigne la faculté de certains récits de se prêter davantage à des dynamiques de déclinaison transmédiatique : « Pour analyser les récits médiatiques contemporains et surtout les grands récits de presse, il semble donc utile d’introduire la notion de transmédiagénie. À l’inverse de la médiagénie, celle-ci reposerait sur l’appréciation de la capacité d’étoilement, de circulation, de propagation transmédiatique que possède un récit. », Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, n°7, 1997.

38 Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne. Littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, « Poétique », 2017, p. 184.

39 Critique Télérama, 13 mars 2021. URL : https://television.telerama.fr/tele/serie/la-cazamonteperdido%2Cn6829084%2Csaison1%2Cepisode2.php

40 Michel Espagne, « Du creuset espagnol à l’Espagne hors les murs », Mélanges de la Casa de Velázquez [en ligne], 38-2, 2008, 15 novembre 2010. URL : http://journals.openedition.org/mcv/775

41 « Urbana, hedonista, crítica, realista, nostálgica y desencantada, la novela mediterránea ha conseguido convertirse en una variante con identidad propia dentro del heterogéneo crisol de corrientes y variantes en las que se divide el género negro », Javier Sánchez Zapatero, Àlex Martín Escribà, « La novela negra mediterránea crimen, placer, desencanto y memoria », Pliegos de Yuste: revista de cultura y pensamiento europeos, n° 13-14, 2011-2012, p. 52.

42 « Durante una temporada, en los últimos tiempos, […] Monroy había llegado a pensar que el sistema había tocado fondo, que la gente había tomado conciencia y en el país había comenzado algo así como una especie de revolución social que impediría la corrupción, los privilegios, la injusticia. […] Por supuesto, había habido cambios aparentes, mudanzas oportunas, reemplazos de nombres y rostros, porque la gente envejece, muere o se jubila, porque de vez en cuando algún juez, algún periodista, algún policía logran hacer su trabajo y hay que mandar jugadores al banquillo […] y concluía que se había pasado aquellos últimos años haciendo el gilipollas, porque la letra de la canción era la misma aunque le hubieran hecho cuatro arreglos mierdosos a la melodía », Alexis Ravelo, El peor de los tiempos, Barcelona, Alrevés, 2017, p. 116-118.

43 Deux des romans de l’écrivain canarien ont été traduits en français à ce jour : La estrategia del pekinés et Las flores no sangran, tous deux aux éditions Mirobole.

44 « Le clivage au sein du genre policier reproduit le clivage entre littérature et paralittérature au sein du champ de la littérature romanesque. Le mode de légitimation s’est déplacé ; plutôt que d’opposer un genre dans son ensemble à la littérature générale, il s’exerce désormais à l’intérieur du genre lui-même », Fabienne Soldini, « Du genre comme principe légitimant : romans policiers et critiques littéraire », À l’épreuve, Revue de Sciences Humaines et sociales, 2016. URL : http://alepreuve.org/content/du-genre-comme-principe-légitimant-romans-policiers-et-critiques-littéraires

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Pour citer cet article

Référence électronique

Emilie Guyard, « Le polar espagnol ultra-contemporain : un label sur le marché éditorial européen ? »Belphégor [En ligne], 20-1 | 2022, mis en ligne le 29 août 2022, consulté le 31 décembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/belphegor/4595 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belphegor.4595

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Auteur

Emilie Guyard

 Emilie Guyard a poursuivi ses études à l’Université de Bourgogne dans laquelle elle a obtenu une Agrégation externe d’Espagnol en 1999 puis un doctorat d’Etudes Hispaniques en 2002. Elle est actuellement Maître de Conférences à l’Université de Pau et des Pays de l'Adour et membre du laboratoire ALTER (Arts/Langages : Transitions & Relations UR 7504). Après avoir travaillé sur le genre fantastique et plus particulièrement sur l’œuvre de l’écrivain galicien Gonzalo Torrente Ballester auquel elle a consacré plusieurs publications, sa recherche porte actuellement sur le roman policier. Elle a publié de nombreux articles et coordonné plusieurs ouvrages autour du genre policier et obtenu le grade de l'Habilitation à Diriger des Recherches en décembre 2018 grâce à une étude inédite intitulée Carlos Salem : le polar déjanté ou la quête du sens.    

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