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I. Euronoir

Les cantons de l’est du polar en français

Paul Bleton

Résumés

À partir d’un ensemble mal identifié et mal vectorisés pour le lectorat francophone (le roman policier issu des pays de l’ex-bloc de l’est ces trois dernières décennies), on propose à la fois de comprendre et de déplacer chacun des termes de la notion d’Euronoir. Où passe la frontière orientale de l’Europe de la République mondialisée du roman policier ? Comment se singularise ce sous-ensemble du noir de l’est ?

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1La construction de l’Europe politique aura introduit une dose de scepticisme dans la propension des études littéraires à considérer, par tradition, des corpus nationaux. À quoi ce thème de l’euronoir ajoute une dimension générique et réactionnelle : entériner la mondialisation du genre policier et affirmer une identité européenne en regard de l’hégémonie de l’anglosphère dans ce genre. Affirmation encore inchoative, tâtonnante et incomplète.

  • 1 La traduction du premier Carlo Fruttero et Franco Lucentini date de 1979, celle du premier Giorgio (...)
  • 2 1994 pour Cesare Battisti, 1999 pour Marcello Fois, 2000 pour Andrea Camilleri, 2004 pour Loriano M (...)
  • 3 Et accompagné par le discours critique; cf. notamment Maria Pia Paulis-Dalembert (2010).
  • 4 Éditeur américain notamment de Maurizio de Giovanni, Michel Bussi, Jean-Claude Izzo.

2Inchoative ? L’asymétrie des langues, des cultures d’origine, des appareils éditoriaux provoque encore un effet de frein. Considérons ainsi, pour le lectorat français, le cas du roman policier italien (giallo et autres compris) : les traductions de précurseurs à succès ont été parfois tardives1  et celles des stars, plus tardives encore2. Bien sûr, à partir des années 90, la présence d’auteurs transalpins s’est faite plus abondante, plus régulière, quoiqu’encore largement minoritaire. Mais il s’agit là d’un cas de transfert plutôt réussi3, non seulement du point de vue national mais aussi supranational ainsi que l’illustrerait la catégorie superordonnante de « noir méditerranéen » proposée par l’éditeur italo-américain Sandro Ferri4. Le territoire de l’euronoir serait-il donc l’addition de telles traditions nationales en traduction et d’éventuelles catégories superordonnantes ?

  • 5 Second roman de ce pays, initialement paru en langue eskimo, traduit en français à partir de sa tra (...)
  • 6 Les philosophes britanniques parlent bien de « philosophie continentale » …

3Tâtonnante ? De telles nouvelles étiquettes superordonnantes s’avèrent labiles, ce qui s’observe bien avec le cas-locomotive du polar scandinave. Les lecteurs s’accommodent du flou : la catégorie comprend-elle la production islandaise, culturellement et linguistiquement liée mais géographiquement extérieure ? Polar nordique y ajoute la production finlandaise, géographiquement proche, mais culturellement distincte et linguistiquement très éloignée. Si Trois cents ans après (2015) d’Augo Lynge est oublié, c’est moins parce qu’il s’agit d’une anticipation de 1931 censée se dérouler en 2031 et peut-être pas assez noire, que parce qu’il est groenlandais5. Mais surtout, selon quel interprétant comprendre cette bannière d’euronoir et son flou ? L’interprétant d’une république mondiale des lettres policières, où l’importance, voire l’existence symbolique d’un roman policier se détermineraient par rapport à sa traduction et son succès sur le marché hégémonique de l’anglosphère ? Par ce gallicisme anglais euronoir introduit en français, importe-t-on aussi un détour culturel obligé, la manière anglosphérique de considérer l’inspiration policière de ses cantons européens ? Serait-ce plutôt l’interprétant d’une originalité et d’une diversité permettant d’en affirmer l’identité par rapport à un genre (et pas simplement un marché) associé à l’anglosphère ? En ce cas, la bannière d’un gallicisme anglais semblerait au moins paradoxale, s’il s’agissait de s’émanciper de l’anglosphère. À moins, troisième interprétant, que ce dernier ne soit ironique ? Pourquoi les traditions nationales « continentales »6 du roman policier, qui s’étaient développées endémiquement, quoique le plus souvent avec un œil sur un modèle venu d’ailleurs (surtout le roman noir américain), restreindraient-elles leur mondialisation à la seule traduction en anglais alors qu’existent aussi des traductions inter-européennes impliquant bien d’autres langues ?

4Incomplète ? L’extension du corpus de l’euronoir, sa définition extensionnelle, n’est évidemment pas la même si, premier cas, elle ne comprend que les traductions de romans policiers « continentaux » en anglais, si, second cas, elle est constituée de la juxtaposition de traditions nationales (plus ou moins marchandisées à l’aide d’étiquettes  labelisantes, comme polar nordique), ou si, troisième cas, il s’agit, depuis la position du lecteur sériel (et non plus de celle des producteurs du genre) de découvrir dans telle ou telle langue européenne, non seulement des fictions noires émanant d’autres cultures européennes mais aussi des fictions noires (écrites dans sa langue ou traduites dans sa langue depuis une culture tierce) dont tel ou tel autre pays centre- ou est-européen constitue le référent. Et se posent de nouvelles questions d’extension. Tout d’abord, celle du territoire du noir : de quelle Europe s’agit-il ? Celle de l’UE ? Celle, géologique, de l’Atlantique à l’Oural ? Et si la langue du lecteur sériel se trouve être le français, de quel lectorat s’agit-il ? En effet, mondialisation du marché du livre oblige, le lectorat francophone déborde lui aussi le cadre de l’UE.

EuroNoir : référence

5Depuis la place de ce lecteur francophone, c’est donc d’abord avec une approche cosmopolite que se pose la question de ce à quoi renvoie la notion d’euronoir; et depuis la place des études littéraires, avec une approche sceptique devant ce « concept » assez mou d’euronoir que, à la Wittgenstein, elles le comprennent comme un acte de langage, plus important que sa « signification ». Au lieu de partir d’une homogénéité centrale pour additionner des traditions nationales voisines puis périphériques, proposons de partir des marches du territoire, de frontières incertaines, poreuses, en visant une centralité et en étant attentif à l’hétérogénéité ; considérons l’euronoir à travers des polars traduits issus de pays de l’ex-bloc de l’est, c’est-à-dire issus de la reconfiguration politique des trois dernières décennies. Ils amènent ainsi à s’interroger concrètement sur la question de l’emplacement des marches de l’est. Que l’on veuille ou non inclure la Russie dans cette Europe, c’est immédiatement la diversité de ces romans policiers de l’est qui saute aux yeux : Ukraine (Andriy Kokotukha), Pologne (Marek Krajewski), Tchéquie (Jaroslav Rudiš), Slovaquie (Pavel Vilikovský), Bulgarie (Elena Alexieva), Hongrie (Vilmos Kondor), Roumanie (Maria Maïlat), Lituanie (Ričardas Gavelis), Albanie (Virion Graçi)... Parfois, ce sont les auteurs d’une minorité qui éclairent la non-superposition de la langue et des frontières et qui génèrent une perplexité (toute artefactuelle). Que faire de Camp de gitans, moldave par son thème, de Vladimir Lortchenkov, Russe moldave vivant désormais à Montréal ? Que faire de L’Investigateur, roman écrit en russe par une Ukrainienne dont le choix de la langue était sans doute dicté par son identité juive ? Hors-euronoir ou pas ? En outre, l’emplacement des marches de l’est s’avère d’autant plus intéressant que ces cantons de l’est de l’euronoir sont accompagnés d’une double ombre portée : non seulement celle de romans traduits de l’anglais (centralité dominante) impliquant, par personnages ou par décors interposés, tel ou tel pays centre- ou est-européen (comme certains titres du Britannique Donald James, de l’Irlandais Neil Jordan, de l’Américain Olen Steinhauer, du Canadien Peter Robinson…), mais aussi celle de romans traduits d’autres langues occidentales (centralité secondaire) : du suédois (Arne Dahl), du danois (Leif Davidsen), du norvégien (Jo Nesbø), de l’islandais (Hallgrímur Helgason), du finnois (Matti Rönkä), de l’italien (Alessandro Barbero), de l’espagnol (Antonio Garrido), de l’allemand (Mechtild Bormann)… voire de romans écrits en français, par des auteurs venus de France (Marc-Alfred Pellerin) ou d’ailleurs dans la francophonie (comme le Québécois Mario Bolduc), voire par des auteurs parfois antérieurement eux-mêmes venus de l’est (comme Albena Dimitrova).

6Pour le lecteur francophone, accéder aux polars de l’est implique la traversée d’une jungle éditoriale où certains sentiers de randonnée sont tracés, faciles à suivre, mais où il faut aussi se frayer un chemin à la machette. À partir des modes exotiques successives enrichissant les cercles concentriques du genre, on peut tirer quelques conditions de succès. Ainsi, l’œuvre-locomotive propre à déclencher l’intérêt d’une importante proportion de lecteurs, la disponibilité de titres à traduire, celle des collections réussissant à les fidéliser (que d’autres, parties plus tard, tentent d’émuler), les échos médiatiques (depuis les critiques élogieuses jusqu’aux adaptations au grand écran ou en séries télévisées), voire les échos en études littéraires, tels ont notamment été les ingrédients de la pérennisation du polar nordique. Par contraste, alors que les œuvres russes d’Alexandra Marinina et Boris Akounine ont obtenu du succès et que bien des romans policiers parus à l’est sont disponibles, où faut-il chercher ce qui détermine cette place assignée aux romans des cantons de l’est sur un strapontin culturel ? Deux autres traits généraux caractérisent leur ensemble : la faible notoriété accordée à cette production par l’institution spécifique au roman policier et l’irrésolution de l’appareil éditorial à le présenter comme une famille, à en faire ressentir les confluences. Comme si l’existence de quelques auteurs et de quelques séries best-sellers y suffisait, comme si la disparité de ces romans (langues, origines nationales, notoriété des auteurs et des éditeurs…) empêchait de percevoir l’ensemble dont ils relèvent. Le discours d’accompagnement ne le fréquente guère, ce qui est notable en soi puisque le genre policier depuis plus de trois décennies avait finalement suscité l’attention des prescripteurs culturels et la curiosité de la critique universitaire, sans doute à cause de son succès commercial et d’un significatif virage ayant reconfiguré les relations entre culture médiatique et culture d’élite.

  • 7 Comme les Presses de la Cité et 10/18 à celles de Boris Akounine, d’Elena Arseneva et William Ryan, (...)
  • 8 Auxquels on peut ajouter les plus minces contributions du Fleuve noir, Pocket, Albin Michel, Stock, (...)
  • 9 Comme Liana Levi, Sonatine, Moisson rouge, Piranha, Macha Publishing ; en province Actes Sud à Arle (...)
  • 10 Ainsi, à partir du seul titre de Darja Dontsova paru en français, chez un minuscule éditeur qui ne (...)

7C’est de dispersion que pâtit le plus l’arrivée du polar de l’est dans le marché francophone ; sans une collection spécialisée (voire sans quelques collections), pas d’identification et de reconnaissance faciles de ce sous-ensemble. Il y a bien la fidélité de collections spécialisées à des séries7 ; mais la dispersion se fait chez de nombreux éditeurs, dans de nombreux lieux de parution, chez des éditeurs bien implantés dans le genre8 mis aussi dans de plus modestes structures9. Ce qui ajoute à la dispersion une forte disparité des éditeurs en matière de notoriété et de diffusion. Et on ne parle même pas de maladresses éditoriales grevant ce transfert culturel, de ratés, de choix parfois questionnables, parfois malheureux10.

8Outre ces questions éditoriales, en comparant ces romans de l’est à ceux du nord, apparait clairement que la disparité géographique, linguistique et anthropologique des cultures nordiques s’avère bien relative, bien mince même. En tout cas bien moins puissante que la volonté centrifuge d’autonomie post-coloniale des pays de l’ex-bloc de l’est, volonté de surcroit appliquée à une bien plus importante disparité culturelle – ce qui tend à les redistribuer selon d’anciennes lignes de fracture (comme celle du grand schisme du XIe siècle) ou de nouvelles (comme celle de l’aimantation, par la Russie ou par l’Union européenne).

  • 11 « Dans la bulle de Manou » juin 2016, http://www.bulledemanou.com/2016/06/seul-l-assassin-est-innoc (...)

9De telles considérations incitent à passer du terre-à-terre des difficultés pratiques au ciel des Idées, comme ces notions émanées de la pratique et de la lecture des romans policiers qui nomment des espèces familières du genre, et les rendent aisément reconnaissables, évaluables, descriptibles et interprétables sans tellement devoir ajuster l’acte de lecture habituel. Pour le lecteur et pour l’éditeur, si l’on en croit le prière-d’insérer, Cible royale (2014) de George Arion, provint-il de Roumanie, étaient immédiatement reconnus comme thriller, pour Manou la blogueuse11, Seul l’assassin est innocent (2015) de Júlia Székely, reconnu comme suspense, avec autorité.

  • 12 Roman de truand à la Simonin, néo-polar à la Manchette, polar régional à la Magnan…

10Or non seulement la nomenclature de cet ensemble de notions métaromanesques est hétérogène mais les aficionados ne manquent pas de chipoter sur l’attribution de telle étiquette à tel roman. Certaines espèces sont définies de manière stable et depuis longtemps par l’âme aristotélicienne principalement affectée (la dianoïètikè psychè par le whodunit?, la thréptikè psychè par le thriller, l’aïsthétikè psychè par le suspense) et par son dispositif narratif mis en branle pour y arriver (le whodunit? centré sur l’enquête, le thriller sur l’aventure, le suspense sur le ressenti de la victime potentielle). Mais d’autres espèces, plus récentes dans l’histoire du genre, se définissent plutôt par leur univers12.

  • 13 Même si Tirana blues (2007) de ce dernier lui donne une tournure saugrenue…

11Dès lors, que resterait-il ? Une inspiration explorant de nombreuses nuances de noir imprègne Les Couteaux (1991) et L'Ombre de l'autre (2000) des romanciers albanais Neshat Tozaj et Fatos Kongoli13, mais aussi Comme des rats morts (2007) du Hongrois Benedek Totth, Le Prix Nobel (2015) de la Bulgare Elena Alexieva, 188 mètres sous Berlin (2017) et Le Magicien (2019) de la Polonaise Magdalena Parys, Avenue Nationale (2016) du Tchèque Jaroslav Rudiš, Autobiographie du mal (2019) du Slovaque Pavel Vilikovský. C’est dans un registre tout aussi noir que se développe le très tardivement traduit roman-documentaire historique de Jozef Mackiewicz, L’Affaire du colonel Miassoïedov (2020). Cette inspiration noire a même ses séries, comme celles, polonaises, de Marek Krajewski mettant Eberhard Mock en vedette ou de Zygmunt Miłoszewski avec son procureur Teodor Szacki… On évoquait une ombre portée émanée d’occident, illustrée notamment pour le noir par des romans français comme Fuyards (2003) de Thierry Marignac, Lolita complex (2008) de Romain Slocombe, Prague, faubourgs est (2014) de Timothée Demeillers ou par des traductions comme Le Naufrageur (2007) de Francesco De Filippo.

  • 14 Comme celle de Serge Perraud pour le site k-libre avec Boris Akounine, le mardi 12 janvier 2010.
  • 15 Comme celui de la « Série noire » pour La Face cachée de la lune (1995) de Georgui Vaïner et Leonid (...)
  • 16 Respectivement, comme Sándor Kálai (2015), Elena V. Baraban et Stephen M. Norris (2020), Anthony Ol (...)
  • 17 Comme Hélène Mélat (1998) et Elena Baraban (2005) pour Alexandra Marinina, ou la regrettée Christia (...)
  • 18 Comme Anthony Olcott (2001), Eliot Borenstein (2007), Boris Dralyuk (2012) ; et Anna Estera Mrozewi (...)

12Cet ensemble des romans policiers venus des confins de l'est non seulement ne semble pas pouvoir se nommer aisément mais il souffre aussi d’un triple déficit : dans le discours social, dans le monde de l’édition et dans l’intérêt critique. Dans le discours social ? Depuis la fin de l’ex-bloc de l’est, aussi bien dans les pays qui y appartenaient qu’en occident, on a plus mis l’accent sur les différences de destin de chacun d’eux que sur ce qu’ils avaient encore en commun, y compris en matière de dysfonctionnement criminel de ces sociétés. Dans le monde de l’édition ? On l’a vu, il ne contribue pas à entreprendre une définition extensionnelle de cet ensemble par des collections spécialisées anticipant ou reflétant un engouement pour ces romans policiers écrits à l’est qui proposeraient de regrouper des titres sous un même nom, voire sous un faisceau de noms de collection ; pourtant de telles collections spécialisées auraient servi de première proposition, de première bannière rameutant de tels romans. Dans l’intérêt critique ? Des informations sont bien disponibles, mais dispersées : dans des entrevues avec des auteurs14, des prière-d’insérer individuels15, des articles d’encyclopédie générale comme ceux de Wikipedia ou spécialisée comme ceux du Dictionnaires des littératures policières (2003), des textes critiques spécialisés depuis ceux consacrés à tel roman, à tel auteur jusqu’à ceux consacrés à tel ensemble, sous forme de livre ou de thèse16. Le mérite de jouer les éclaireurs doit d’autant plus être reconnu non seulement à des traductrices proposant les premières cartographies17, mais aussi à quelques critiques attentifs18. Néanmoins, non seulement tout cela s’avère hétéroclite mais aussi relativement chétif.

Euronoir : usage

  • 19 Je me permets de renvoyer à Paul Bleton (1999).

13Même si ce premier survol des cantons de l’est de l’euronoir laisse l’impression d’une sous-détermination de la définition intensionnelle de cette espèce du roman policier et de la définition extensionnelle du corpus de ses romans centre- et est-européens, cela n’empêche nullement d’entendre la leçon sceptique de Ludwig Wittgenstein destinée à déplacer le vieux tête-à-tête du mot et de la chose : si la définition d’un mot relève moins de sa référence (à une chose) que de la manière dont on l’utilise, quelles seraient ses fonctions ? Les bibliothécaires trouvent un principe de classement dans des mots comme « thriller », « whodunit? », « suspense », « procedural », « noir », « néo-polar », « roman policier régional », voire peut-être « euronoir »; les agents de l’appareil de production éditorial et les agents de mise en marché du produit-livre, un élément crucial de l’image de marque ; lecteurs et lectrices, un des nécessaires moments cognitivement top-to-bottom de l’acte de lecture19. Comme tout mot, ceux-ci ont une signification dans la mesure où tous ces joueurs peuvent avec succès former des attentes sur leurs usages dans leurs jeux de langage respectifs.

14Umberto Eco (1985) caractérisait l’acte de lecture comme une « coopération interprétative » ; or celle-ci n’habite pas exclusivement dans le for intérieur du lecteur, elle ne reste pas seulement une virtualité cognitive ou phénoménologique. Il lui arrive de se matérialiser, de se publiciser, d’actualiser ces mots métagénériques, voire de déborder de beaucoup une nomenclature, de phraser, de devenir affaire de communication, de rejoindre d’autres lecteurs – d’entrer dans des jeux de langage. Par web et médias sociaux interposés, de plus en plus de lecteurs affichent de parlantes représentations qu’ils se font de leurs lectures ; leurs évaluations présupposent ce qu’ils y ont reconnu et ce qu’ils ont construit comme sens.

  • 20 https://www.phenixweb.info/Diamants-de-la-mer-Noire-Les
  • 21 https://unbouquinsinonrien.blogspot.com/2019/02/texto-dmitry-glukhovsky.html
  • 22 Dirigé par le psychiatre Patrick Cargnelutti ; avis paru en janvier 2019.
  • 23 http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-la-peau-du-papillon-de-sergey-kuznetsov-1546528 (...)
  • 24 Bonnes feuilles
  • 25 http://annepitteloud.dosi.ch/index.php/critiques/508-khemlin-margarita-l-investigateur
  • 26 Le 14 septembre 2007 dans La Libre, journal qu’il avait même dirigé pendant une douzaine d’années

15De quoi alimenter notre enquête sur l’usage d’« euronoir » ? La recension soumise par l’auteur liégeois Christophe Corthouts au webzine PhénixWeb en octobre 201820 sur Diamants de la mer Noire d’Anna et Serguey Litvinov tient plutôt en deux mots : un thriller ? Oui, mais en plus lent… Sur un ton plus abrasif, l’anonyme censeur de Texto (2019) de Dmitry Glukhovsky sur le blog Un bouquin sinon rien propose sa déception en une critique disant son « ressenti »21. D’autres lecteurs préfèrent se montrer sceptiques face au mirage des étiquettes, rétifs à l’évidence proposée ; ainsi « Psycho-Pat », signataire de l’« avis de Quatre Sans Quatre » sur La Peau du papillon (2019) de Sergey Kuznetsov, dans le webzine homonyme22 refuse de s’en laisser conter ; au-delà des apparences du thriller, lui entrevoit l’allégorie, la morale, l’âme russe23…  « Dans l’Ukraine des faux-semblants » : c’est ainsi qu’Anne Pitteloud, responsable depuis 2002 de la rubrique littéraire du quotidien genevois Le Courrier, titre sa chronique de L’Investigateur (2016) de Margarita Khemlin. Dans son blog littéraire24, plus proche de la culture médiatique imprimée, cette lectrice attentive et habile prescriptrice se tient loin de tout étiquetage et préfère mettre l’accent sur la narration que sur le récit25. Les deux pieds dans cette culture médiatique imprimée, Jacques Frank termine sur un satisfecit culturel « Dans un orchestre nazi ? », sa recension de Têtes interverties (2007) de Leonid Guirchovitch26. Intéressant certes, cet échantillon ne s’avère toutefois guère prometteur pour en savoir plus sur l’usage d’« euronoir », on en conviendra.

16Si cette voie sémasiologique s’avère peu fructueuse, prenons celle de l’onomasiologie, des éléments émanés de ces romans de l’est offrant leur perspective sur cet « euronoir » qui semble se développer sans eux. Proposons-en deux, l’un interprétant à sa manière « euro- », décalant l’idée d’hégémonie de l’anglosphère dans le genre policier, et l’autre interprétant aussi à sa manière « noir » par ses configurations sémantiques et pragmatiques.

17Même si l’on délaisse la classique formule du héros culturellement proche du lecteur afin que l’un et l’autre découvrent ensemble une culture étrangère avec la même surprise, la même perplexité, la même répulsion – comme Roman Lambert, l’Anglais plongeant avec délectation dans la vie débridée et criminelle de la Russie des riches des années 90, dans Moscou Babylone (2013) du Britannique Owen Matthews, ou comme Jonathan, le détective anglais expatrié dans une ancienne république soviétique, de Dans les eaux troubles (2017) de l’Irlandais Neil Jordan. C’est encore de l’anglosphère qu’était venu l’exemple de romans recréant une culture russe avec ses personnages typiques, loin de tout multiculturalisme, avec les séries plus anciennes des Américains Martin Cruz Smith (et son commissaire Arkadi Renko) et Stuart M. Kaminsky (et son enquêteur McBainophile, Porfiry Ristnikov).

18Pour l’Europe de l’est, cette tradition sera perpétuée dans notre période, du côté du thriller, par les séries d’Américains comme Michael Genelin (en Slovaquie, son commandant Jana Matinova), Alan Furst (par des romans eux aussi historiques mais pas sériels) et Olen Steinhauer (par une série fondée non pas sur un personnage mais sur un commissariat dans un pays de l’est jamais nommé, non pas sur des trames parallèles mais par des moments différents dont la configuration emblématise une décennie derrière le Rideau de fer).

19Ailleurs à l’ouest, est-on vraiment surpris de découvrir que même pour des romans consacrés aux pays de l’Europe centrale ou orientale, on ne néglige pas de thématiser l’anglosphère ? En vrac : le commanditaire américain pour Noirs dessins (2017) de Jean-Paul Brighelli; Joséphine Watson-Finn, l’héroïne sérielle canadienne d’Aline Apostolska; le New-York visitée par Harry Houdini, Sigmund Freud et Carl Gustav Jung dans La Société des faux visages (2017) de Xavier Mauméjean; l’Angleterre de consolation pour Océane, l’héroïne de La Scandaleuse de Moscou (2014) de Jacqueline Monsigny; la Londres plus-grande-métropole-anglo-russe des Mémoires d'un détective à vapeur (2018 et 2019) de Viat et Olav Koulikov ; l’intrigue du tueur sériel californien dans Meurtre à Byzance (2004) de Julia Kristeva ; l’histoire américaine de L’Inconnue de Birobidjian (2012) de Marek Halter, voire le roman totalement américain du Roumain installé en Grande-Bretagne Eugen Ovidiu Chirovici, Jeux de miroirs (2017)

20Passage obligé que cette révérence à la puissance hégémonique dans le genre ? On pourrait le croire en considérant l’évidence de l’hommage rendu par Budapest la noire (2011) de Vilmos Kondor au grand ancêtre Raymond Chandler, aussi bien par l’américanité de la trajectoire professionnelle de son héros Zsigmond Gordon que par le cousinage avec l’esprit de Philip Marlowe. On pourrait le croire aussi en considérant la manière cavalière avec laquelle John, le journaliste américain de la Bulgare Dimana Trankova dans Le Sourire du chien (2017), incarne sa prédilection pour la Bulgarie et les femmes bulgares. En voyage de noces dans le pays natal d’Emilia, sa jeune épouse, il se jette dans une enquête sur d’énigmatiques assassinats de savants dans des lieux chargés d’Histoire, d’anciens sanctuaires thraces. De tels crimes ont beau défrayer alors la chronique, celle-ci reste perplexe ou superficielle; aussi est-ce en faisant vibrer une corde cynanthropique et en mobilisant l’aide de Maya, archéologue et journaliste autochtone, qu’il fouille. Enquête et compagnonnage qui lui feront quelque peu oublier Emilia – thème bien connu du roman d’amour exotique : la belle indigène finit toujours par apprivoiser le mâle plein d’autorité venu d’occident.

21Il ne s’agit toutefois là que d’exceptions. Lorsqu’elle existe, cette aimantation par l’anglosphère n’est en effet introduite qu’avec parcimonie par les romans de l’est, voire avec des pincettes, et rarement dans le noir. Ainsi, réelle, son attractivité, n’est-elle que régionale dans Inavouable (2017) de Zygmunt Miłoszewski qui ne consacre qu’un épisode américain à son histoire ; Gangsterski (1989) de Tomasz Matkowski et Mission Londres (2006) d’Alek Popov traitent l’anglosphère avec ironie.

22Et le noir ? Que pourraient nous en enseigner ces polars centre- et est-européens ? Il s’agit là aussi d’une notion très sous-déterminée. Plus ancienne et bien plus large que ce qu’on entend par roman de truand, néo-polar, polar régional, le noir ne s’en trouve pas moins, lui aussi, déterminé par son univers, mais un univers défini tout autrement, de manière plus principielle : par son pessimisme radical, schopenhauerien. À quoi il faut ajouter qu’avec le thriller (le roman d’aventures criminelles), il s’était très tôt détaché du roman policier classique en abandonnant la structure de l’énigme à résoudre, de l’enquête (détection et ratiocination). Or, Uri Eisenzweig (1986) l’avait bien souligné, y gagnant certes une plus grande flexibilité, il était revenu dans le giron du roman réaliste. La représentation que romanciers, éditeurs et lecteurs se sont faite de l’évolution du genre, pour l’applaudir ou la déplorer, drainait un large consensus : le roman policier serait passé de la ludicité consolatrice du whodunit à la lucidité sombre, dubitative, navrée, maussade mais active du noir.

23N’a-t-il pour autant aucune caractéristique plus spécifique quant à sa forme ? Proposons ici, à partir des romans de l’est, qu’il a au moins trois valences, non seulement inscrites dans la syntaxe narrative mais aussi caractérisées par la configuration pragmatique dans laquelle la fiction cherche à inscrire son lecteur : le recours à la familiarité d’une trame narrative ayant une longue tradition (et les jeux de la fiction avec les attentes du lecteur), le recours à la familiarité de la trame-princeps du pessimisme (« on n’échappe pas au malheur »), et, au contraire, le recours à une défamiliarisation produite par l’absurde aussi bien pour la victime dans la fiction que pour le lecteur. C’est entre ces pôles de la maîtrise intellective de la situation que se comprennent les noirs de l’est.

24Illustration ? Les Fantômes de Breslau (2010) de Marek Krajewski, première enquête d'Eberhard Mock fait appel à une narrato-logique, double et croisée, celle de la narration du policier, qui, au-delà de ses obligations professionnelles se rend compte qu’autour de lui rôdent des menaces de plus en plus personnelles, et celle de la narration du criminel anonyme qu’il recherche dont le journal intime indique de plus en plus clairement que Mock est sa proie ultime. L’affaire se déroule en un laps de temps assez court (1er septembre-2 octobre 1919) pour offrir un guet-apens en entonnoir à l’anxiété du lecteur quant au sort apparemment inéluctable de Mock. Dans la même série, Fin du monde à Breslau (2011) renouvelle cette narrato-logique. Mock ne pourra comprendre les assassinats à résoudre, à la fois sordides, sériels et hétéroclites, qu’en faisant un large détour (fabula préfabriquée plus moderne, mais qui a largement eu le temps de s’imposer aux lecteurs de romans policiers) : par le passé, les Antiquitates Silesiacæ répertoriant tous les crimes commis en Silésie depuis le Moyen-Âge pour y repérer des modèles, et par l’avenir, celui, inquiétant, promis par la secte millénariste du prince Orloff. Si bien d’autres logiques sont aussi mises en œuvre, ce qui importe dans cette première valence du noir, c’est l’impression d’inexorabilité qui en émane à la lecture.

25La deuxième, « On n’échappe pas au malheur », met moins directement l’accent sur des fabulæ pré-fabriquées; elle prend plutôt la forme d’une machinerie destinale générativement plus profonde. Même si c’est très progressif, le lecteur la voit petit à petit acculer, comprimer, puis écraser la victime. Il en comprend la logique ; mais ni lui ni le personnage ne peuvent y faire quoi que ce soit. Spiros, dans Au paradis des fous (1995) de Virion Graçi, n’a même plus son prénom : travailleur immigré en Grèce, il essaie de passer inaperçu, d’effacer toute albanicité. Depuis plus d’un an, il vit dans des conditions abjectes, avec des compagnons d’infortune qui s’estiment chanceux en comparaison avec d’autres qui n’ont même pas de toit sur leur tête. Hors de son pays, hors de sa langue, loin de cette famille pour laquelle il tente de gagner de l’argent… Les patrons qui emploient cet universitaire comme peintre en bâtiment le paient de manière aléatoire. L’un d’eux dénonce même cet illégal pour économiser quelques mois de chiche salaire. La prison en cellule collective, le viol des femmes par les soldats, les autobus de l’expulsion… Cet Ulysse dépouillé de toute dignité apprend pire encore : au lieu d’une Pénélope, en rentrant il ne retrouverait qu’un vide creusé par son absence. Lora, son épouse, avait en effet enfoncé un clou rougi dans le crâne de leur fils Tori qui voulait écrire à son père qu’elle recevait des hommes (depuis, elle était devenue folle) ; sa belle-sœur, elle aussi expatriée, se prostitue ; permise par un semblant de nouvelle vie en Grèce, par une nouvelle compagne, la dénégation montrera toutefois très vite ses limites.

26Troisième valence, l’absurde serait la forme du noir dans lequel ni la victime ni le lecteur n’ont un clair accès à la logique à laquelle le personnage est en butte. Voisinage du fantastique, dans lequel une cause existe bien, mais qui implique un monde surréel inquiétant ? Plus qu’une suspension de l’intellection, mais sans aller jusqu’à l’acception camusienne (à la recherche de sens des personnages ne répondrait que « le silence déraisonnable du monde »), l’absurde du noir se fonde sur l’expérience d’une impuissance liée à une incompréhension. La fuite hors d’Albanie : c’est cette réponse d’une fraction importante de la population à l’entêtement du régime, en 1990, qui constitue la toile de fond du Paumé (2000) de Fatos Kongoli. Mais celle du quadragénaire Thesar Lumi tourne court et se transforme en désespérante rétrospection. Après avoir embarqué, hésité et abandonné son projet d’expatriation, il est retourné vers sa triste banlieue sans perspective. Il n’enquête pas mais se confesse, en tant que coupable-de-vie-assujettie, rôle dicté par son inhibition initiale. Cette rétrospection avoue en effet son impuissance face à une sociabilité qui se déplie en strates informées par les contorsions auxquelles contraint la perversité d’un système sournois. Lequel se charge de dissimuler que violence et corruption constituent les modèles dominants dans toute relation humaine. Un peu plus loin, en équilibre instable sur le faîte séparant d’un univers halluciné, l’incompréhension désarmée le cède à la surinterprétation, folle mais tout aussi impuissante, comme dans Vilnius poker (2015) de Ričardas Gavelis.

27Certes, la mort de Lolita, la jeune victime du crime initial, est abominable. Mais la lecture bientôt s’englue aussitôt dans les récits divergents et de moins en moins crédibles de quatre narrateurs. Lecture que des scènes excessives (sexe, torture) abasourdissent. Lecture à la recherche d’un sens mais qui affronte une fragmentation éclatée du récit et des discours – désolation aigrie face à la religiosité lituanienne, véhémence antitotalitaire, toutes formes de restriction de la liberté (au-delà de la langue de bois politique, au-delà de l’esthétique consensuelle, tous les codes périmés mais encore en place qui engoncent témérité, dérèglement ou irrévérence).

Euronoir : en deux mots

28Alors, l’euronoir reconnait-il ses cantons de l’est ? D’une part, déterminé par le territoire (euro-), son concept incluait une contradiction initiale entre l’affirmation d’une identité culturelle et la reconnaissance d’une aimantation externe, celle de l’hégémonie de l’anglosphère bien établie sur le genre. En majorité moins sensibles à cette attraction, les noirs de l’est permettent d’en mesurer l’effet culturellement structurant. D’autre part, l’euronoir peut se considérer dans le miroir que lui tend le noir issu des marches de l’est, et notamment tester la pertinence du couple lectural de la familiarité et de la défamiliarisation. Familiarité d’une trame narrative traditionnelle, comme la vengeance ; familiarité d’une trame narrative jouant avec les attentes du lecteur, comme ce schéma « dépressif » (remplacer un mal par un autre) qui succède au schéma « maniaque » (la métamorphose de l’homme de peu en héros populaire) et le dégonfle ; familiarité obtenue par la connivence pragmatique de l’auteur et du lecteur dans une position de surplomb culturel ; familiarité de la trame de la machinerie destinale (qui doit moins à la syntagmatique du roman sériel qu’à la sémantique du pessimisme, « on n’échappe pas au malheur »). Mais aussi défamiliarisation par l’absurde, fondée sur l’impuissance et l’incompréhension que ressentent personnage et lecteur.

29En fait, l’intérêt de l’exercice n’est pas seulement celui de la constitution d’un inventaire, ni seulement celui d’une définition. Chaque nouveau territoire amène ses propres interrogations sur le concept de l’ensemble, permettant de mieux en préciser la référence et l’usage, quitte à bousculer nos représentations quant aux formes prises par le genre, à décentrer leur institutionnalisation dans une République mondiale des lettres policières.

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Notes

1 La traduction du premier Carlo Fruttero et Franco Lucentini date de 1979, celle du premier Giorgio Scerbanenco de 1968, celle du premier Leonardo Sciascia de 1962.

2 1994 pour Cesare Battisti, 1999 pour Marcello Fois, 2000 pour Andrea Camilleri, 2004 pour Loriano Macchiavelli, 2006 pour Giancarlo De Cataldo…

3 Et accompagné par le discours critique; cf. notamment Maria Pia Paulis-Dalembert (2010).

4 Éditeur américain notamment de Maurizio de Giovanni, Michel Bussi, Jean-Claude Izzo.

5 Second roman de ce pays, initialement paru en langue eskimo, traduit en français à partir de sa traduction danoise. La pourtant mince notoriété des romans groenlandais de Mo Malø dépasse de loin celle de Lynge : parce que de telles complications traductrices leur sont épargnées ? Peut-être pas : plutôt parce que sous ce nom de plume se cache un romancier français, Frédéric Ploton.

6 Les philosophes britanniques parlent bien de « philosophie continentale » …

7 Comme les Presses de la Cité et 10/18 à celles de Boris Akounine, d’Elena Arseneva et William Ryan, la Librairie des Champs-Élysées à celle de Stuart M. Kaminsky, le Seuil à celle d’Alexandra Marinina, Anne Carrière à celle de Sam Eastland, Marabout à celle de Michael Genelin…

8 Auxquels on peut ajouter les plus minces contributions du Fleuve noir, Pocket, Albin Michel, Stock, Métailié, Calmann-Lévy, Ramsay.

9 Comme Liana Levi, Sonatine, Moisson rouge, Piranha, Macha Publishing ; en province Actes Sud à Arles, Mirobole à Bordeaux, Agullo à Villenave-d'Ornon, les Éditions de l'Aube à La Tour-d'Aigues, et, plus modiquement, Krakoen à Bihorel, Verdier à Lagrasse, Jugal à Marseille, L’atelier Mosésu à Saint-Romain-de-Colbosc, l'Engouletemps à Woippy; en Suisse, Noir sur blanc (et les Syrtes), en Belgique, Kantoken (ainsi que Genèse et Memory Press), au Québec Édito (et Sedes).

10 Ainsi, à partir du seul titre de Darja Dontsova paru en français, chez un minuscule éditeur qui ne semble pas avoir publié d’autres livres, les éditions du Bouvier, difficile de concevoir que, par leur humour, ses comédies policières soient connues comme le loup blanc en Russie, voire qu’avec la série d’Alexandra Marinina, c’est cette série « Dacha Vassilieva » si chichement représentée en français qui avait établi la maison d’édition Eksmo dans les années 90. En revanche, c’est le succès-même de la série d’Alexandra Marinina qui occulte le fait qu’un tiers n’en a pas été traduit. Comment savoir que le seul titre de Marcin Wroński paru en français, chez Actes sud, est extrait d’une série – 10 volumes des enquêtes du « Komisarz Maciejewski » ? L’intégration biographique de la série par le héros semble apparemment bien secondaire pour les directeurs de collection si l’on considère le choix de la « Série noire » de faire paraitre les cinq volumes de la série « Eberhard Mock » de Marek Krajewski dans le désordre – et en y impliquant quatre traducteurs différents. Et encore, le sort de ces romans victimes de malchance ou de maladresse s’avère toutefois bien meilleur que celui de la pourtant excellente uchronie de l’Allemand Simon Urban, Plan D (2013), parue dans une collection tôt disparue (« La Cosmopolite Noire » chez Stock, surgeon policier de la fameuse « Cosmopolite », disparue après une demi-douzaine de titres traduits, disparue sans doute pour n’avoir pas rencontré un public suffisamment nombreux pour le groupe Hachette).

11 « Dans la bulle de Manou » juin 2016, http://www.bulledemanou.com/2016/06/seul-l-assassin-est-innocent-julia-szekely.html.

12 Roman de truand à la Simonin, néo-polar à la Manchette, polar régional à la Magnan…

13 Même si Tirana blues (2007) de ce dernier lui donne une tournure saugrenue…

14 Comme celle de Serge Perraud pour le site k-libre avec Boris Akounine, le mardi 12 janvier 2010.

15 Comme celui de la « Série noire » pour La Face cachée de la lune (1995) de Georgui Vaïner et Leonid Slovine.

16 Respectivement, comme Sándor Kálai (2015), Elena V. Baraban et Stephen M. Norris (2020), Anthony Olcott (2001) et Elena V. Baraban (2003).

17 Comme Hélène Mélat (1998) et Elena Baraban (2005) pour Alexandra Marinina, ou la regrettée Christiane Montécot (1998) pour le roman noir albanais.

18 Comme Anthony Olcott (2001), Eliot Borenstein (2007), Boris Dralyuk (2012) ; et Anna Estera Mrozewicz (2018), attentive dans l’autre sens aux représentations cinématographiques scandinaves des pays de l’est.

19 Je me permets de renvoyer à Paul Bleton (1999).

20 https://www.phenixweb.info/Diamants-de-la-mer-Noire-Les

21 https://unbouquinsinonrien.blogspot.com/2019/02/texto-dmitry-glukhovsky.html

22 Dirigé par le psychiatre Patrick Cargnelutti ; avis paru en janvier 2019.

23 http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-la-peau-du-papillon-de-sergey-kuznetsov-1546528710

24 Bonnes feuilles

25 http://annepitteloud.dosi.ch/index.php/critiques/508-khemlin-margarita-l-investigateur

26 Le 14 septembre 2007 dans La Libre, journal qu’il avait même dirigé pendant une douzaine d’années

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Pour citer cet article

Référence électronique

Paul Bleton, « Les cantons de l’est du polar en français »Belphégor [En ligne], 20-1 | 2022, mis en ligne le 27 août 2022, consulté le 31 décembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/belphegor/4569 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belphegor.4569

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Paul Bleton

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