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AccueilNuméros20-1I. EuronoirL’Euronoir est une fête

I. Euronoir

L’Euronoir est une fête

Festivalisation et internationalisation du polar en Europe (1973-2019)
Lucie Amir

Résumé

Partout en Europe, les fictions criminelles se consomment et s’expérimentent désormais massivement en contexte festif. Tables rondes plurilingues et débats internationaux président souvent à la lecture d’un genre dont les circulations européennes se sont accrues ces dernières années, et les festivals ne sont sans doute pas pour rien dans ces transferts culturels. Pendant que leur diffusion homogénéise les cadres d’appropriation du genre, leur développement encourage les flux de livres et d’écrivains, et semble fabriquer une communauté de réception européenne. Ces processus méritent toutefois d’être remis en perspective, et leur actualité nuancée. Favorisée par les politiques culturelles récentes, l’internationalisation des programmations de festivals constitue moins une évolution que la pièce maîtresse du spectacle que ceux-ci façonnent depuis leur émergence, et qui domine désormais bon nombre de contenus festivaliers du continent. Performée dans les tables-rondes et les débats, l’internationalité est en effet devenue l’un des enjeux de la représentation sociale que façonne le festival de polar. Celle-ci nous invite à tourner le regard vers les scénographies de l’internationalité qu’il institue pour les publics : c’est en effet au sein de celles-ci que la transculturalisation des idées, de la culture et des identités s’affiche dans et à côté des espaces publics nationaux, et qu’elle s’y expérimente tout à la fois.

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Texte intégral

  • 1 Dont témoignent par exemple les « regards croisés » sur la culture médiatique en Europe de l’Est, r (...)
  • 2 Barry Forshaw, Euro Noir: The Pocket Essential Guide to European Crime Fiction, Film and TV, Harpen (...)
  • 3 Notion théorisée par Wolfgang Welsch, “Transculturality: The Puzzling Form of Cultures today”, dans (...)

1Dans le prolongement d’un mouvement d’ouverture des études sur la culture de masse au-delà du monde anglo-saxon et de l’Europe occidentale1, le monde académique européen s’est emparé du label « Euronoir », popularisé par le journaliste Barry Forshaw, pour interroger l’existence d’une culture européenne autour des genres médiatiques criminels2. Cet intérêt pour la question européenne prend deux directions que résument les deux grands objets de recherche du projet H2020 DETECt : modalités de circulation des fictions criminelles sur le continent européen et représentations de l’Europe véhiculées aujourd’hui par ces productions. L’étude des circulations est majoritairement centrée sur les problématiques de traduction, d’export éditorial et de réception des textes à l’étranger. Nourri par la tradition des études culturelles, le second volet interroge quant à lui la construction par la fiction de motifs, de figures, de scripts « transculturels3 », susceptibles de nourrir non pas seulement des échanges entre les cultures nationales, mais aussi des expériences et des appartenances excédant les cadres nationaux et construisant une ou des cultures communes.

  • 4 Gisèle Sapiro, Myrtille Picaud, Jérôme Pacouret et Hélène Seiler, « L’amour de la littérature : le (...)
  • 5 Donald Getz, “The Nature and Scope of Festival Studies”, International Journal of Event Management (...)

2Les festivals se situent à l’angle mort de ces deux approches. Pourtant, partout en Europe, les fictions criminelles se consomment et s’expérimentent désormais massivement en contexte festif, dans un cadre rituel où la discussion thématique se superpose à la dédicace, singularisant le festival au sein de la catégorie plus large des foires et salons4. Relativement récents dans cette forme moderne où tables rondes et débats s’enchaînent sur plusieurs jours, les festivals sont moins balisés par l’histoire de la culture et par la sociologie que l’édition ou les pratiques de lecture. Dans le même temps, ils restent souvent en périphérie des études littéraires ou des études culturelles, qui s’attachent avant tout à l’analyse des contenus. Aux États-Unis ont émergé depuis quelques années des « festivals studies », branche spécifique des « event and tourism studies ». Issues des études d’économie et de gestion, celles-ci ont néanmoins renoué avec l’anthropologie et la sociologie de la fête pour construire une approche à la fois économique et culturelle du domaine dit « de l’événementiel », qui se développe à grands pas depuis les années 19705.

  • 6 Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal (dir.), « La littérature exposée. Les écritures contemporaines ho (...)
  • 7 Selon le titre d’un numéro récent de la revue de la Société des Études en Littérature Française XXe(...)
  • 8 Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal (dir.), op. cit.
  • 9 Voir la synthèse que fait Donald Getz de ces tendances dans Donald Getz, Event studies. Theory, res (...)

3Dans la réflexion sur l’européanité de la culture criminelle et sur sa vocation à construire une communauté européenne, les festivals méritent aussi, sinon leur propre axe de recherche, au moins une plongée à part entière dans leur histoire, leur fonctionnement et leurs enjeux. Pendant qu’un postulat mimétique continue de prévaloir largement lorsqu’on se demande quel peut être l’apport des fictions populaires à la construction des identités, qui dirige l’analyse vers les œuvres et leur processus de production, les festivals de genre se multiplient de manière exponentielle depuis maintenant trois décennies. Apparue dès les années 1980 en Italie (Cattolica), en France (Reims et Grenoble), et en Espagne (Gijón), la forme du festival connaît en effet depuis le milieu des années 2000 un développement pan-européen sans précédent, étendu depuis quelques années à la Pologne, à la Norvège ou à l’Islande. Les festivals demeurent peu étudiés, alors qu’ils en sont en passe de devenir l’un des modes majeurs de consommation et de réception du genre, si ce n’est de la littérature en général6. La question de leur rôle comme dispositif de circulation et comme cadre de réception doit être intégrée à la compréhension des formes contemporaines des genres criminels et de leur apport aux processus de construction des identités, nationales ou transculturelles, éventuellement européennes. Pour ce faire, cet article fait l’essai d’une cartographie européenne des festivals de polar, à la croisée des études littéraires, des « festivals studies » anglo-saxonnes et des humanités numériques. Du point de vue de la recherche en littérature, notre réflexion poursuit une tendance récente à « étendre le domaine de la littérature7» aux usages qu’on en fait « hors du livre8», dans une re-saisie pragmatique de l’objet littéraire, qui s’étend aujourd’hui aux entretiens, lectures, performances et autres adaptations qui prolongent le livre. Du point de vue des « event studies », nous répondons à l’appel de l’anthropologie et de la sociologie qui insistent sur l’importance de continuer à penser les festivals comme des expériences culturelles, cruciales à l’heure de la mondialisation, où l’objet « culture » lui-même est devenu pluriel et mouvant9. On essaiera ainsi d’aborder la contribution des festivals aux identités culturelles avec une perspective matérielle, en interrogeant la manière dont la configuration de l’offre culturelle, et les politiques qui lui sont sous-jacentes, peuvent infléchir les imaginaires que les fictions criminelles construisent et transportent avec elles.

4Peut-on articuler le développement et l’internationalisation des festivals à l’émergence supposée d’une communauté européenne du polar ? Quel peut être leur rôle dans l’évolution supposément transculturelle des fictions criminelles ? Que font les festivals à la matrice représentationnelle du genre ? C’est en retraçant l’émergence d’un réseau européen de « festivals de polar » (selon la formule consacrée), en mesurant quantitativement leurs politiques d’internationalisation, et en analysant la place de l’internationalité dans leurs mises en scène du genre, que l’on tentera de livrer quelques éléments de réponses à ces questions.

Festivals : un développement européen

  • 10 Gisèle Sapiro, Myrtille Picaud, Jérôme Pacouret et Hélène Seiler, art. cit., p. 108.

5L’événementiel littéraire connaît ses débuts dès les années 1970, en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne, souvent autour des genres populaires polar et SF, et dans des festivals mêlant cinéma et littérature10. Plus ancien festival vivant de notre recensement, le Mystfest est fondé en 1973 dans une petite commune d’Émilie-Romagne, en Italie, sous la forme d’un événement d’abord nommé « Gran Giallo », consacré au roman et au film policiers. En France, le premier « Festival français du roman et du film policier » accueille à Reims, pour sa première édition en 1979, Paul Paviot aux côtés de Léo Malet, et Alain Corneau aux côtés de Georges Simenon, deux ans plus tard (1981). Suite à des mésententes entre les organisateurs et la mairie de Reims, le festival déménage à Grenoble en 1986 pour trois éditions supplémentaires ; il représente alors, avec le festival du film de Cognac, l’un des seuls festivals du genre sur le territoire français.

6À l’échelle européenne, c’est néanmoins à la fin des années 1990, et même au milieu des années 2000, qu’a lieu le véritable boom dont hérite l’offre événementielle contemporaine, aujourd’hui massive et pérenne. Comme en témoigne la répartition des couleurs sur la carte ci-dessous (Figure 1), l’écrasante majorité des festivals retenus pour l’étude sont créés après 2000 (26/33), ce que confirme le détail des dates de naissance de ces événements (Figure 2).

Figure 1. Les festivals européens de polar aujourd'hui (2019). Conception : Lucie Amir et Fabien Cerbelaud, Université de Limoges.

Figure 1. Les festivals européens de polar aujourd'hui (2019). Conception : Lucie Amir et Fabien Cerbelaud, Université de Limoges.

Figure 2. Festivals européens : nombre de premières éditions par année. Conception : Lucie Amir.

Figure 2. Festivals européens : nombre de premières éditions par année. Conception : Lucie Amir.
  • 11 Les associations d’amis des genres criminels tiennent parfois un agenda des festivals, comme la Cri (...)

7Les festivals de polar se multiplient si vite aujourd’hui qu’il est difficile de les recenser. On en compte en 2020 une centaine, ne serait-ce que sur le territoire français. Opéré via des sources hétérogènes et souvent lacunaires, des agendas culturels associatifs aux archives de la Bibliothèque des littératures policières, le recensement des festivals dont résulte cette carte ne peut donc pas se prétendre exhaustif11. Il se limite aux festivals de grande envergure existant encore aujourd’hui, et rassemble pour l’essentiel leur titre, leur date de création, et pour une bonne part d’entre eux, les archives de leurs programmes. La carte retient pour chaque pays les événements les plus significatifs, sélectionnés en fonction de l’ampleur de leur programmation, ici mesurée en nombre d’invités (au minimum trente pour figurer sur cette carte). Elle permet de visualiser la prolifération contemporaine des manifestations liées au polar, mais aussi de confronter la mesure de l’importance actuelle de chacune d’entre elle à leur situation géographique et surtout, nous y reviendrons un peu plus loin, à leur ancienneté.

  • 12 Lucie Amir, « Le polar, du militantisme à l’action culturelle. Politiques des festivals littéraires (...)

8Une autre collecte, étendue aux festivals disparus mais réalisée à l’échelle française, tend à confirmer l’hypothèse d’une expansion en deux temps, amorcée entre 1995 et 2000 et s’accélérant à partir de 200312. Au-delà des frontières françaises, il faut même attendre les années 2010 pour que des festivals se développent en dehors du cœur de l’Europe occidentale (France, Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni), dans les pays scandinaves tout particulièrement : Oslo, 2012, Reykjavik, 2013, Göteborg, 2015. Au Royaume-Uni, tous les festivals contemporains à succès (Murder One, Noireland, Bloody Scotland, Capital Crime) sont nés après 2012.

9L’essor pan-européen des festivals est donc une affaire contemporaine. En diffusant un modèle particulier de promotion et de célébration de la littérature, celui-ci encourage l’homogénéisation des modes de consommation et de réception du genre en Europe. Tables rondes et rencontres président désormais massivement à la lecture. Mises en concurrence, les programmations s’amplifient et se diversifient, élargissent et soulignent leur ouverture internationale. Tous les festivals retenus sur la carte intègrent dans leurs programmes des auteurs étrangers (Figure 1). En France, l’internationalité s’impose depuis le milieu des années 2000 comme un label distinctif dans les noms et les sous-titres des manifestations. Suivant l’exemple sur FIRN, le « Festival International du Roman Noir » de Frontignan, Quais du polar se labellise « Festival international » dès sa première édition en 2005, et « Toulouse Polars du Sud, Festival International des Littératures Policières » fait de même dès 2009. En Italie, le Nebbiagialla, né à Suzzara en 2007, se fait appeler « festival internazionale del giallo » ; en Allemagne enfin, le « Krimifestival » de Munich s’intitule « Internationales Festival für Kriminalliteratur », et le festival Mord Am Hellweg, qui se fait qualifier depuis quelques années de « Europas grösstes internationales festival » (« le plus gros festival international d’Europe »), décerne un prix européen de la fiction criminelle13.

  • 14 Jacques Migozzi, Natacha Levet et Lucie Amir, “Gatekeepers of Noir: The Paradoxical Internationalis (...)
  • 15 Pour un exemple scandinave du marketing littéraire, voir Gabrielle Saumon, Sylvain Guyot et Jacques (...)

10Ces datations laissent penser que la multiplication de ces festivals poursuit, sur le modèle de la grande plateforme éditoriale européenne qu’est la foire du livre de Francfort, une internationalisation légèrement antérieure du marché du genre, dont on date le tournant au début des années 200014. Globalement tributaire de la mondialisation économique et culturelle, la fortune du modèle festivalier résulte en effet aussi de la diffusion internationale du polar, de l’émergence d’une politique culturelle européenne favorisant la mise en relation des initiatives sur le continent (via le programme Europe créative par exemple), et du développement très contemporain des politiques culturelles locales et du marketing territorial15. Mais ce n’est pas parce que le processus d’internationalisation de ces événements est récent que l’internationalité de leurs contenus est nouvelle. Un court détour par l’émergence occidentale des premiers festivals suffit au contraire à reconsidérer la festivalisation du polar comme un facteur de son internationalisation (et non pas seulement comme un symptôme), en dépit de l’actualité apparente de l’internationalité de ces événements.

La festivalisation : une clé de compréhension de l’internationalisation des fictions criminelles

  • 16 James Madison Davis, “The Disorganized Organization: The International Association of Crime Writers (...)
  • 17 Didier Daeninckx fait le récit de ce voyage à Prague. Didier Daeninckx, « Souvenirs d’un continent (...)

11Même si l’histoire des premiers festivals de polar est une histoire franco-germano-italo-espagnole, et malgré l’international turn qui a incontestablement touché la scène littéraire européenne au tournant des années 2000, l’internationalité de la vie du genre est en fait une préoccupation ancienne. Le label international accompagne déjà le développement des festivals fondateurs : le Mystfest italien s’affuble de son sous-titre « festival internazionale del giallo e del mistero » dès 1980, et le festival de Reims devient le « Festival international du roman et du film noir » dès son transfert à Grenoble en 1987 (Annexe 1). Dans la petite commune italienne qu’est Cattolica, le Mystfest est porté depuis ses débuts par la présence des écrivains Carlo Lucarelli et Maurizio de Giovanni, membres de l’école littéraire de Bologne, anciennement proches en France des sociabilités du Poulpe et des réseaux de Cesare Battisti. Une décennie après la fondation du festival sont créés coup sur coup, en 1986 et 1988, par un même homme, Paco Ignacio Taïbo II, l’Association Internationale des Auteurs de polar (ICWA ou AIEP) et l’un des plus gros festivals européens encore à ce jour, La Semana negra de Gijón, destinée à devenir l’un des espaces de rencontre des membres de l’association, par-delà le rideau de fer. Les velléités de libération de la parole dans les espaces les plus tendus par la guerre froide sont explicites pour cette association née à la Havane, à l’occasion d’un rassemblement informel d’écrivains latino-américains et soviétiques16. Celle-ci tient des congrès pendant quelques années à Yalta (1987), Gijón (1988) et Prague (1989), où l’association milite alors activement pour la libération de Vaclav Havel, quelques mois avant la révolution de Velours17. L’année suivante, l’illustre fondateur de l’association côtoie l’États-Unien Donald Westlake, la Russe Maya Turowskaya, le Polonais Andrzej Braun, le Britannique Chris Petit et l’Italien Andrea G. Pinketts dans la très internationale édition du Mystfest 1990 (Annexe 2). Encouragée par l’AIEP, l’internationalité de ces événements a alors, à l’heure de Donald Reagan et dans les derniers temps de la guerre froide, la valeur d’un combat politique annonciateur de la chute du mur de Berlin, revendiquant les libertés de circulation, d’expression et d’opinion des populations et des mondes culturels.

12Ne gagnerait-on pas dès lors à considérer ces instances non pas seulement comme des symptômes de l’internationalisation du genre, mais aussi comme des agents centraux dans la mise en réseau européenne des communautés littéraires ? L’émergence de ces festivals coïncide en effet avec un moment où ce sont les sociabilités politiques des gauches radicales, post-soixante-huitardes et internationalistes, qui donnent vie aux genres criminels. La comparaison des premiers programmes des festivals de Cattolica, de Gijón, de Reims et Grenoble en France, montre bien que ce sont les mêmes groupes qui irriguent la vie littéraire dans plusieurs pays d’Europe, tout particulièrement à la fin des années 1980 : Manuel Vasquèz Montalban, Laura Grimaldi, Didier Daeninckx, Daniel Pennac, Robin Cook ou encore Maj Sjöwall, viennent tous au moins une fois à chacun de ces festivals entre 1986 et 1990 (Annexe 2). Ces circulations sont alors à la fois moins faciles et plus cruciales, centrales dans la conception même de ces festivités, et il n’est pas rare qu’une nationalité fasse l’objet d’un événement dans les programmations d’avant 2000, quand ce n’est pas déjà la question européenne elle-même (Annexes 3, 4 et 5). Alors qu’un « polar de l’Est » semble émerger aujourd’hui dans les festivals et dans les projets culturels, une table ronde de la première édition de Gijón, en 1988, rassemble déjà des représentants du monde soviétique (URSS, Tchécoslovaquie, RDA, Bulgarie) sous le thème « Le polar de l’Est et la perestroïka ». Les archives de ces programmes révèlent combien les circulations culturelles européennes s’enracinent, en dépit de leur apparente actualité, dans des échanges anciens, plus confidentiels et plus politiques (Annexe 5a).

13Deux conclusions peuvent être tirées de la genèse de ces festivals. La première est que les échanges transnationaux permis par la culture criminelle ne sont pas seulement un corrélat récent de la mondialisation de la culture. Ils sont aussi l’héritage d’une construction politique du genre, promue et institutionnalisée dans un contexte de décloisonnement de la vie intellectuelle, en amont et en aval de la chute du mur de Berlin. Ensuite, la diffusion européenne de ce modèle événementiel peut être datée de quelques années, d’une décennie tout au plus, mais les festivals de polar n’en sont pas moins l’un des principaux instruments de circulation des genres criminels depuis plus de trois décennies, et sont à ce titre probablement plus fondamentaux qu’on ne l’imagine dans la construction européenne actuelle des fictions criminelles.

Une internationalisation nuancée

  • 18 Jacques Migozzi, Natacha Levet et Lucie Amir, art. cit.
  • 19 Graphique réalisé avec Gephi, logiciel libre d’analyse de réseau, qui met en relation des « nœuds » (...)

14Il ne faudrait pas en outre surestimer le mouvement d’internationalisation qui semble caractériser les contenus festivaliers depuis quelques années. Bien sûr, la présence de festivals dans les mondes anglo-saxon et scandinave favorise les circulations intra-européennes, et à l’échelle française, le développement de festivals mieux dotés et professionnalisés entraîne une présence accrue d’invités étrangers, tout particulièrement dans les festivals nés après 200518. Toutefois, ressaisis globalement à la lumière des plateaux d’auteurs, ces processus semblent toujours contrebalancés par le poids des logiques nationales et des proximités régionales et locales. Comme les archives, l’analyse quantitative des listes d’invités de neuf festivals sur les dix dernières années (2009-2019, en synchronie) invite à nuancer le discours de la diversification et de l’européanisation. Sur le graphique suivant19, les mélanges de couleur témoignent des transferts d’invités d’un festival à l’autre et d’un pays à l’autre, ou au contraire de la clôture d’une scène nationale sur elle-même :

Figure 3. Nationalité des auteurs invités d’onze festivals européens sur dix ans, 2009-2019. Conception : Lucie Amir (Gephi).

  • 20 Le graphique fait apparaître les noms des auteurs sollicités dans plus de quatre festivals distinct (...)

15Le graphique donne à voir des programmations très massivement nationalisées, à la marge desquelles s’organisent des circulations régionales, intranationales, comme entre Gijón et Barcelone, ou transnationales, comme entre Gijón et Toulouse. Gage français de l’internationalisation des événements liés au genre, Quais du polar fait ici figure d’exception par la diversité de son plateau, moins majoritairement national que les autres. Comme en témoigne sa centralité dans le tissu littéraire européen, il fédère en effet l’ensemble des nationalités représentées sur le graphique. Autour de lui, le graphique éclaire des tropismes extranationaux particuliers : les Espagnols invitent surtout des Français (et quelques Italiens) ; les Danois, des Suédois et des Norvégiens ; les Britanniques, des Scandinaves. Si les échanges franco-espagnols, italo-allemands, germano-italiens, franco-italiens mais aussi anglo-scandinaves y sont assez nets, la perméabilité entre les espaces ouverts par les festivals récents (anglo-saxons et scandinaves) et les territoires où la promotion du genre « hors du livre » est plus ancienne est limitée : pas de Français ni à Oslo ni à Horsens et très peu de Britanniques en Espagne et à Suzzara, par exemple. Les auteurs qui voyagent dans plus de deux pays différents sont somme toute assez rares. C’est le cas d’une partie des auteurs qui y sont mentionnés, comme Jan Costin Wagner, Arne Dahl ou Bernard Minier20.

16La visualisation globale des réseaux constitués par les festivals européens est très claire : bien que ceux-ci favorisent dans une certaine mesure de nouvelles formes très concrètes de circulation des livres et des vedettes littéraires, leur développement ne crée pas à proprement parler de scène européenne unifiée. En revanche, la question de l’internationalité y est présente depuis leurs débuts, et il y a depuis les années 1980 a minima une tendance à l’internationalisation des plateaux, des contenus et des thèmes de discussion. Le rôle des festivals dans l’émergence d’un polar européen doit alors sans doute être compris autrement, moins comme le fruit d’un processus de diffusion et d’ouverture que comme une valeur inhérente au modèle festivalier, développée dans le genre, héritée des sociabilités littéraires des années 1980-1990 et pérennisée depuis. Celle-ci bénéficie aujourd’hui de la prolifération européenne des événements, mais elle opère plus fondamentalement à petite échelle, depuis les mises en scènes de la vie culturelle que les festivals proposent chaque année.

Scénographies de l’internationalité

  • 21 Entretien avec Corinne Tonelli, Villeneuve-Lès-Avignon, 6 avril 2019.
  • 22 Sur la distinction entre le spectacle et la fête, comme espaces de représentation du monde social o (...)

17En France, l’internationalité est évoquée à titre secondaire dans les critères d’attribution des aides du Centre national du Livre, qui considère le « rayonnement national, voire international » des projets à soutenir. Elle ne fait cependant l’objet d’aucune contrainte institutionnelle précise ni d’aucune mesure statistique. Les labels ne sont alors pas tant là pour sanctionner le rayonnement d’une manifestation que pour signifier sa politique d’ouverture internationale et sa volonté d’appartenance à une certaine catégorie de festivals : ceux qui parviennent à déborder les frontières a priori associées à leur encadrement financier (local, régional, national). Comme en témoigne le rapport poids/ancienneté sur la carte (Figure 1), le patronage des festivals fondateurs est encore fort, et l’on peut supposer que leurs valeurs se sont pérennisées. Un festival influent aujourd’hui comme Quais du polar entretient d’ailleurs une relation de filiation explicite avec un festival internationaliste plus ancien comme le FIRN de Frontignan. Souvent, ce n’est qu’une petite poignée d’auteurs étrangers que rassemblent les organisateurs de ces festivités, parfois non sans peine, pour rester fidèles au label du festival ou au thème de l’année. Préalablement définie autour de l’Espagne, en 2019 à Villeneuve-Lès-Avignon, la contrainte du « thème » déclenche ainsi, après que Victor Del Árbol a annoncé son indisponibilité, une véritable quête aux auteurs espagnols21. Cultiver l’apparence de l’internationalité par l’intermédiaire d’une tête d’affiche, d’une thématique annuelle ou des axes des tables rondes, et parfois en dépit des moyens du festival, est en fait plus crucial que maintenir un équilibre effectif entre les auteurs étrangers et les auteurs nationaux. L’internationalité n’est pas une modalité d’organisation, de rayonnement ou de diffusion des festivals : c’est une partie intégrante du spectacle de la vie sociale que ceux-ci constituent, de la représentation de l’espace social qui est mise en œuvre à travers eux22.

  • 23 Plus récents, ces programmes sont généralement disponibles sur les sites des festivals. Par exemple (...)
  • 24 Dominique Maingueneau, Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, 1996, p. 73.

18Si les « panoramas » des diverses traditions culturelles européennes sont déjà proposées à Grenoble en 1987 (Annexe 3), les programmations de ces festivals à contenus élargissent désormais le spectre des territoires qui ont droit de cité dans les débats : le Maghreb (Gijón 2011), l’Amérique latine (Gijón 2016), l’Afrique du Sud (Quais du polar 2010, 2018). La conception artistique optimise souvent l’exploitation thématique du capital d’internationalité apporté par les invités étrangers. Pas moins de cinq rencontres consacrées à l’Italie sont tirées de la venue simultanée de Carlo Lucarelli, Valerio Varesi, Maurizio De Giovanni et de quelques autres vedettes du polar italien à Quais du polar en 2018. Dans d’autres festivals, la venue d’un auteur suffit parfois pour axer une rencontre sur son pays d’origine : « La Habana » (Leonardo Padura, Gijón 2016), « Passé-présent de la Chine » (Qiu Xialong, Toulouse 2016). On relève par ailleurs que les catégories d’appartenance culturelle font l’objet d’une thématisation de plus en plus fréquente, à l’échelle de la nation, mais aussi à des échelles supranationales : L’Europe (Vienne 2004, Quais du polar 2018), l’Est (Quais du polar 2010), les Suds (« South of Equator », Harrogate 201323). Ces rencontres, qui se pérennisent d’ailleurs partout sauf dans les capitales nationales (Lyon, Suzzara, Unna, ou Gijón), mettent en question l’ancrage culturel de l’écriture et de la lecture des fictions criminelles ; leur conception scénarise ce questionnement, et la réalisation le crée, comme on crée une représentation théâtrale. Sur le plateau des auteurs venus de tous pays, à la « table ronde » des débats, on s’interroge sur l’extension des communautés littéraires, sur la pertinence des catégories d’expression des identités culturelles. L’internationalité y est à la fois un principe scénographique, au sens théâtral du terme (un principe d’agencement de l’espace scénique) et une performance réflexive. À la fois revendiquée, mise en scène et thématisée, elle y prend la forme d’une scénographie, au sens rhétorique du terme cette fois : un système scénique autonome, une « scène instituée par un discours », où la situation d’énonciation (internationale en l’occurrence) sert l’objet de la représentation (l’identité culturelle) qui la justifie en retour, asseyant indéfiniment la légitimité de la scène et de son contenu, faisant ainsi advenir les transferts culturels comme un sujet et comme un simulacre nécessaires24.

  • 25 Pour Chris Rumford, les « espaces cosmopolites » ne sont a priori pas (ou en tout cas pas en premie (...)
  • 26 Selon la formule synthétique de Neil Ravenscroft et Xavier Mateucci, “The festival as carnivalesque (...)
  • 27 Chris Rumford, op. cit., p. 3.
  • 28 Nancy Fraser, “Transnationalizing the Public Sphere. On the Legitimacy and Efficacy of Public Opini (...)
  • 29 La formule de Nick Couldry invite à distinguer l’idée d’un espace transnational et celle d’espaces (...)
  • 30 Chris Rumford, op. cit., p. 3.

19S’il peut donc y avoir des « espaces cosmopolites25» depuis lesquels les fictions criminelles se transculturalisent, il y a fort à parier que ceux-ci comptent les festivals et leurs scénographies de l’internationalité. Loin des capitales, ces fêtes offrent des scènes culturellement traversées, miment des expériences supranationales, façonnent en un mot des effets de transculturalité. L’anthropologie classique, pour qui le festival participe à la fois du spectacle et du rituel et tient une place liminaire dans l’ordre des espaces sociaux, confère en tout cas au modèle festivalier un potentiel réflexif et transformateur, un pouvoir de « reroutage des significations culturelles26 ». Par ailleurs, celles et ceux (P. Gilroy, N. Fraser, U. Beck, C. Rumford) qui abordent les rapports entre l’espace politique et la problématique de l’internationalité ou du cosmopolitisme tendent à récuser l’application de ces concepts aux espaces publics traditionnels (ou conçus traditionnellement) et à encourager l’exploration d’ « espaces métaphoriques27 » où travaillent des processus de « transnationalisation28 », des « pressions transnationales29 » opérant de manière minuscule sur les cadres de l’expérience. S’il n’existe donc pas à proprement parler d’Euronoir ou de scène littéraire européenne, comme il n’existe pas d’« Europe cosmopolite30 » ni d’« espace public transnational », il existe cependant des événements où se met en scène l’internationalité des fictions criminelles, où la transculturalité s’invente et se consomme, minimalement et ponctuellement, au seuil des espaces publics et des champs littéraires nationaux.

  • 31 Neil Ravenscroft et Xavier Mateucci, art. cit., p. 2.

20Le pouvoir transformateur de ces espaces de production du sens reste toutefois à mesurer. D’autres travaux sur la portée culturelle des festivals font de leur liminarité et de leur théâtralité un outil de régulation sociale et de cantonnement des questionnements culturels, dans la lignée de la dialectique bakhtinienne sur le carnavalesque et de la pensée foucaldienne de l’ambivalence des « hétérotopies »31. Dans cette perspective, le décalage entre la surexploitation du label « international » et l’internationalisation réelle des festivals pourrait être interprété comme résultant d’une sorte de trompe-l’œil façonné par les politiques culturelles locales pour contenter l’aspiration des publics au cosmopolitisme. Les festivals joueraient alors le rôle d’un entertainment transnational tenu de nous divertir de la persistance des cadres nationaux dans les espaces sociaux. Pour évaluer les effets réels de ces mises en scène, des prolongements empiriques seraient nécessaires, qui exploreraient de l’intérieur la gouvernance de l’internationalité, sa place dans la direction artistique des événements, la réception de ces catégories et de ces « espaces autres » par les publics. Mais quoi qu’il en soit de leur influence réelle sur les identités culturelles, et compte tenu de l’existence présumée d’une culture criminelle commune dans la pensée critique, les festivals ont au moins contribué à construire l’importance non seulement des transferts culturels mais aussi du cosmopolitisme dans l’économie culturelle et symbolique des fictions criminelles. Leur rôle est fondateur et se décline sur trois modes : diffusion (du modèle festivalier), ouverture (des programmations), représentation (de la transculturalité). Cette cartographie liminaire aura soulevé le rôle de telles instances dans la construction critique d’un « Euronoir », ou d’un polar européen. Celle-ci se joue dans les territoires, mais peut-être plus encore dans ces mises en scène institutionnelles qui président désormais à la consommation du genre.

Annexe 1 : Labels du Mystfest 1984 et de Grenoble Polar 1987 (Source : Archives de la BILIPO)

Annexe 1 : Labels du Mystfest 1984 et de Grenoble Polar 1987 (Source : Archives de la BILIPO)

Annexe 2 : Plateaux d’auteurs des festivals de Gijón (a), Cattolica (b) et Grenoble (c, d, e) entre 1986 et 1990. (Source : Archives de la BILIPO).

Annexe 2a : Programme de la première édition du festival de Gijón, 1988. Source : archive non classée, comité d’organisation de la Semana Negra (José Luis Paraja).

Annexe 2a : Programme de la première édition du festival de Gijón, 1988. Source : archive non classée, comité d’organisation de la Semana Negra (José Luis Paraja).

Annexe 2b : Listes des écrivains invités au Mystfest, 1986-1990. Source : fond du Mystfest, archives de la Bibliothèque municipale de Cattolica (Cattia Corradi).

Annexe 2b : Listes des écrivains invités au Mystfest, 1986-1990. Source : fond du Mystfest, archives de la Bibliothèque municipale de Cattolica (Cattia Corradi).

Annexe 2c : Pré-programme du Festival international du roman et du film policier de Grenoble, 1987. Source : Archives de la BILIPO.

Annexe 2c : Pré-programme du Festival international du roman et du film policier de Grenoble, 1987. Source : Archives de la BILIPO.

Annexe 3 : Programme du Festival international du roman et du film policier, Grenoble, 1987 (nous soulignons les thèmes internationaux).

Annexe 3 : Programme du Festival international du roman et du film policier, Grenoble, 1987 (nous soulignons les thèmes internationaux).

Annexe 4 : La « journée européenne » du festival « Polar and co », Bruxelles, 1991.

Annexe 4 : La « journée européenne » du festival « Polar and co », Bruxelles, 1991.

Annexe 5 : La question de l’internationalité dans les tables rondes de La Semana Negra, Gijón, 1988.

Annexe 5a : Rencontre autour du « genre policier en Europe de l’Est ».

Annexe 5a : Rencontre autour du « genre policier en Europe de l’Est ».

Annexe 5b : Rencontre autour de la « littérature policière européenne ».

Annexe 5b : Rencontre autour de la « littérature policière européenne ».

Tables des illustrations :

Figure 1 : Les festivals européens de polar aujourd'hui (2019). Conception : Lucie Amir et Fabien Cerbelaud, Université de Limoges.

Figure 2 : Festivals européens : nombre de premières éditions par année. Conception : Lucie Amir.

Figure 3 : Nationalité des auteurs invités d’onze festivals européens sur dix ans, 2009-2019. Conception : Lucie Amir (Gephi).

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Bibliographie

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Gisèle Sapiro, Myrtille Picaud, Jérôme Pacouret et Hélène Seiler, « L’amour de la littérature : le festival, nouvelle instance de production de la croyance », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 206-207, 1, 2015, p. 108‑137.

Gabrielle Saumon, Sylvain Guyot et Jacques Migozzi, « Du roman policier au territoire touristique. Ystad, Stockholm : enquête sur les phénomènes Wallander et Millénium », Mappemonde, n° 117, Disponible en ligne, URL : http://mappemonde-archive.mgm.fr/num45/articles/art15102.html.

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Wolfgang Welsch, “Transculturality: The Puzzling Form of Cultures today”, dans Mike Featherstone et Scott Lash (dir.), Spaces of Culture: City, Nation, World, London, Sage, 1999, p. 194-213.

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Notes

1 Dont témoignent par exemple les « regards croisés » sur la culture médiatique en Europe de l’Est, récemment parus dans Belphégor : Sándor Kálai (dir.), « Regards croisés sur la culture médiatique européenne », Belphégor, 18, 1, 2020, Disponible en ligne, URL : http://journals.openedition.org/belphegor/2155.

2 Barry Forshaw, Euro Noir: The Pocket Essential Guide to European Crime Fiction, Film and TV, Harpenden, Pocket Essentials, 2014. Pour ses mobilisations dans les études académiques, voir par exemple Kim Toft Hansen, Steven Peacock et Sue Turnbull, European Television Crime Drama and Beyond, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2018, ou le dossier récemment consacré à la question dans The European Review : Jan Baetens et Fred Truyen, « From Euro-noir to Europe », European Review, 2020, p. 1-4.

3 Notion théorisée par Wolfgang Welsch, “Transculturality: The Puzzling Form of Cultures today”, dans Mike Featherstone et Scott Lash (dir.), Spaces of Culture: City, Nation, World, London, Sage, 1999, p. 194-213. Elle est couramment sollicitée dans les travaux sur les genres criminels (anglophones) aujourd’hui, par exemple : Christine Matzke et Susanne Mühelen, Postcolonial Postmortems: Crime Fiction from a Transcultural Perspective, New York, Rodopi, 2006, ou Marieke Krajenbrick et Kate Mc Quinn, Investigating Identities: Questions of Identity in Contemporary International Crime Fiction, Amsterdam, Rodopi, Textxet Studies in Comparative Literature, 2009.

4 Gisèle Sapiro, Myrtille Picaud, Jérôme Pacouret et Hélène Seiler, « L’amour de la littérature : le festival, nouvelle instance de production de la croyance », Actes de la recherche en sciences sociales, 14 avril 2015, n° 206-207, no 1, p. 111.

5 Donald Getz, “The Nature and Scope of Festival Studies”, International Journal of Event Management Research, Vol. 5, 1, 2010.

6 Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal (dir.), « La littérature exposée. Les écritures contemporaines hors du livre », Littérature, n° 160, 2010.

7 Selon le titre d’un numéro récent de la revue de la Société des Études en Littérature Française XXe-XXIe siècles, « Extension du domaine de la littérature », Elfe, 8, 2019, Disponible en ligne, URL : https://journals.openedition.org/elfe/736. Voir aussi Florent Coste, Explore, Investigations littéraires, Questions théoriques, « Forbidden Beach », 2017, p. 149 ou 321, qui illustre bien cet appel à élargir la compréhension de la littérature.

8 Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal (dir.), op. cit.

9 Voir la synthèse que fait Donald Getz de ces tendances dans Donald Getz, Event studies. Theory, research, and policy for planned events, London, Routledge, 2007, p. 16.

10 Gisèle Sapiro, Myrtille Picaud, Jérôme Pacouret et Hélène Seiler, art. cit., p. 108.

11 Les associations d’amis des genres criminels tiennent parfois un agenda des festivals, comme la Crime Writer’s Association et la Crime Reader’s Association, Disponible en ligne, URL : https://thecra.co.uk/event/theakston-old-peculiar-crime-writing-festival/ ou L’International Crime Fiction Research Group, Disponible en ligne, URL : https://internationalcrimefiction.org/category/events/. Pour le monde francophone, voir 813, « Planning des salons et festivals POLAR », Le Blog de 813, Disponible en ligne, URL : http://www.blog813.com/page-5642603.html.

12 Lucie Amir, « Le polar, du militantisme à l’action culturelle. Politiques des festivals littéraires », dans Christelle Colin, Emilie Guyard et Myriam Roche, Le Polar dans la cité. Littérature et cinéma, Pau, PUPPA, 2022.

13 D’après le site du festival, disponible en ligne, URL : https://www.mordamhellweg.de/festival.

14 Jacques Migozzi, Natacha Levet et Lucie Amir, “Gatekeepers of Noir: The Paradoxical Internationalisation of French Crime Fiction Field”, European Review, 1-17, 2020.

15 Pour un exemple scandinave du marketing littéraire, voir Gabrielle Saumon, Sylvain Guyot et Jacques Migozzi, « Du roman policier au territoire touristique. Ystad, Stockholm : enquête sur les phénomènes Wallander et Millénium », Mappemonde, n° 117, Disponible en ligne, URL : http://mappemonde-archive.mgm.fr/num45/articles/art15102.html.

16 James Madison Davis, “The Disorganized Organization: The International Association of Crime Writers after Three Decades”, World Literature Today, vol. 93, 2, 2019, p. 10-12.

17 Didier Daeninckx fait le récit de ce voyage à Prague. Didier Daeninckx, « Souvenirs d’un continent disparu », Carnets de voyage, Remue.net, date de publication inconnue [1990], Disponible en ligne, URL : https://remue.net/cont/daeninckx_voyages.html.

18 Jacques Migozzi, Natacha Levet et Lucie Amir, art. cit.

19 Graphique réalisé avec Gephi, logiciel libre d’analyse de réseau, qui met en relation des « nœuds », ici des écrivains et des festivals, colorés en fonction de leur nationalité et mis en lien par les plateaux d’auteurs. Le graphique montre alors combien le réseau façonné par les programmations des festivals étudiés obéit à des logiques locales, nationales ou transnationales. URL : https://gephi.org/. Quand elles n’étaient pas sur le site des festivals, comme pour le Wroclaw festival (http://www.wroclaw2016.strefakultury.pl/the-13th-international-crime-and-mystery-festival-in-wroclaw) ou le Crimefest (https://www.crimefest.com/about/archive/), ni archivées à la BILIPO, les listes d’auteurs invités ont parfois été collectées auprès des organisateurs, par exemple pour Cattolica (Fonds de la Bibliothèque municipale de Cattolica), Gijón (archives du festival), Munich (archives du festival), et Oslo (archives du festival).

20 Le graphique fait apparaître les noms des auteurs sollicités dans plus de quatre festivals distincts.

21 Entretien avec Corinne Tonelli, Villeneuve-Lès-Avignon, 6 avril 2019.

22 Sur la distinction entre le spectacle et la fête, comme espaces de représentation du monde social ou au contraire comme expériences de la présence, voir Daniel Bougnoux, La Crise de la représentation, Paris, La Découverte, 2019 [2006], p. 70-72. Dans la pensée de Daniel Bougnoux, le festival se situerait, comme les dispositifs du carnaval et de la manifestation, du côté de la fête et non de la représentation. Mais cette répartition minimiserait sa dimension spectaculaire, son extrême orchestration, et l’importance de la mise en scène de l’écrivain, dans les festivals littéraires tout particulièrement.

23 Plus récents, ces programmes sont généralement disponibles sur les sites des festivals. Par exemple, pour Harrogate : https://issuu.com/harrogatefest/docs/2013_a5_crime_event_guide_v7.

24 Dominique Maingueneau, Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, 1996, p. 73.

25 Pour Chris Rumford, les « espaces cosmopolites » ne sont a priori pas (ou en tout cas pas en premier lieu) des lieux physiques. Chris Rumford, Cosmopolitan Spaces: Europe, Globalization, Theory, London, Routledge, 2008, p. 5.

26 Selon la formule synthétique de Neil Ravenscroft et Xavier Mateucci, “The festival as carnivalesque: Social governance and control at Pamplona’s San Fermin fiesta”, Tourism Culture and Communication, 4, 1, 2002, p. 1-15. Sur le festival comme relevant à la fois du rituel et du spectacle, voir Greg Richards, “The festivalization of society and the socialization of festivals: the case of Catalunya”, dans Greg Richards (dir.), Cultural tourism, global and local perspectives, Binghamtom, Haworth Press, 2006, p. 260. Pour une approche des festivals à la lumière de l’anthropologie de la célébration et du rite, voir par exemple Victor Turner (dir.), Celebration: Studies in Festivity and Ritual, Washington, Smithsonian Institution Press, 1982, ou, pour un résumé des travaux de Victor Turner : “In and out of time: festivals, liminality and communitas”, Folklife media, URL : https://folklife-media.si.edu/docs/festival/program-book-articles/FESTBK1978_04.pdf.

27 Chris Rumford, op. cit., p. 3.

28 Nancy Fraser, “Transnationalizing the Public Sphere. On the Legitimacy and Efficacy of Public Opinion in a Post-Westphalian World”, in Nancy Fraser et al., Transnationalizing the Public Sphere, Cambridge, Polity Press, p. 9, 21.

29 La formule de Nick Couldry invite à distinguer l’idée d’un espace transnational et celle d’espaces qui se transnationalisent : “What and where is the Transnationalized Public Sphere?”, op. cit., p. 52.

30 Chris Rumford, op. cit., p. 3.

31 Neil Ravenscroft et Xavier Mateucci, art. cit., p. 2.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Les festivals européens de polar aujourd'hui (2019). Conception : Lucie Amir et Fabien Cerbelaud, Université de Limoges.
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Titre Figure 2. Festivals européens : nombre de premières éditions par année. Conception : Lucie Amir.
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Titre Annexe 1 : Labels du Mystfest 1984 et de Grenoble Polar 1987 (Source : Archives de la BILIPO)
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Titre Annexe 2a : Programme de la première édition du festival de Gijón, 1988. Source : archive non classée, comité d’organisation de la Semana Negra (José Luis Paraja).
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Titre Annexe 2b : Listes des écrivains invités au Mystfest, 1986-1990. Source : fond du Mystfest, archives de la Bibliothèque municipale de Cattolica (Cattia Corradi).
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Titre Annexe 2c : Pré-programme du Festival international du roman et du film policier de Grenoble, 1987. Source : Archives de la BILIPO.
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Titre Annexe 3 : Programme du Festival international du roman et du film policier, Grenoble, 1987 (nous soulignons les thèmes internationaux).
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Titre Annexe 4 : La « journée européenne » du festival « Polar and co », Bruxelles, 1991.
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Titre Annexe 5a : Rencontre autour du « genre policier en Europe de l’Est ».
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Titre Annexe 5b : Rencontre autour de la « littérature policière européenne ».
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucie Amir, « L’Euronoir est une fête »Belphégor [En ligne], 20-1 | 2022, mis en ligne le 29 août 2022, consulté le 31 décembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/belphegor/4540 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belphegor.4540

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